Des endives, des champignons ou des micro-pousses, voici ce que vous pouvez trouver dans certains espaces souterrains de Paris, Strasbourg et Bordeaux. C’est la startup Cycloponics qui occupe ainsi des sites désaffectés en plein milieu des villes pour y faire pousser des produits bio. Une autre façon de développer l’agriculture urbaine là où la plupart des acteurs, aujourd’hui, exploitent des friches ou des toitures.

C’est aussi une manière de développer une alimentation saine et locale tout en valorisant des espaces déjà bâtis, ce qui évite d’aller construire ou occuper de nouvelles terres. Alors que la densification des villes – ou en tout cas la lutte contre l’artificialisation des sols – est l’une des clés pour atteindre les objectifs climatiques, cette réhabilitation de l’existant fait ainsi économiser l’émission d’environ 300kg de CO2 par m², d’après les chiffres de la startup.


Bientôt 8 fermes souterraines à travers la France

La genèse du projet Cycloponics remonte à 2016. « Ça a commencé à Strasbourg, dans un bunker désaffecté qui s’appelle aujourd’hui le Bunker Comestible. Nous sommes d’ailleurs entrain de le transférer à la fédération nationale des aveugles du nord-est, une entreprise d’insertion pour malvoyants accompagnés, afin qu’ils reprennent notre activité là-bas » explique Jean-Noël Gertz, co-fondateur de l’entreprise. Ils y font pousser, entres autres, des micropousses et des champignons.

Par la suite, en compagnie de Théo Champagnat, Jean-Noël Gertz et Cycloponics ouvrent La Caverne, une ferme urbaine située dans un parking dans le nord de Paris. Un projet lancé grâce à l’appel d’offres « Parisculteurs » initié par la maire de Paris et que les deux entrepreneurs remportent. Ils y produisent également des micropousses, des légumes ne nécessitant pas ou peu de lumière, comme des endives blanches et des champignons – pleurotes, shitakés et champignons de Paris.

En ce qui concerne les micro-pousses, celles-ci bénéficient d’un éclairage produit par des LEDs qui reproduisent la lumière du jour. Des ventilateurs sont également installés pour recréer les conditions climatiques extérieures. Cela aide les plantes à développer une forme de résistance afin de pouvoir supporter le poids de leurs feuilles et de leurs fruits lors de leur croissance. Car l’objectif de ces fermes, c’est évidemment de démontrer que l’agriculture urbaine peut-être réellement productive. « Nous produisons entre 100kg et 200kg de champignons par jour, et quand la saison reprendra, nous visons entre 500kg et 1 tonne d’endives par jour » explique ainsi Jean-Noël Gertz.

À côté de la production, les légumes sont distribués à vélo à des commerces bio et locaux tels que Biocoop, ou à des restaurateurs via la coopérative Bio d’Ile-de-France dont Cycloponics est membre. Les résidents des logements sociaux en-dessous desquels la startup assure sa production peuvent également se ravitailler auprès de la ferme urbaine, dans une logique de circuit-vraiment-très-court.

champignons cultivés en sous-sol
Des champignons cultivés en sous-sols


Un hub pour les producteurs, commerçants et artisans locaux

Aujourd’hui, trois fermes urbaines sont exploitées par Cycloponics en France, dans des caves ou des parkings, dans des surfaces allant jusqu’à 4 000m2. Il y a par exemple la Cave Agricole de Floirac, près de Bordeaux, qui se situe sous des logements et qui profite de la chaleur du système de chaufferie qui passe directement par la cave exploitée par l’entreprise. Dans le 19ème arrondissement de Paris, un nouveau centre d’exploitation bio est en cours de création pour y cultiver des champignons de Paris, bruns et rosés. D’autres projets sont aussi en train de se développer, à Lyon (3 sites), Rouen et Lille.

Pour compléter son modèle, les fermes de Cycloponics sont aussi des hubs pour les producteurs locaux. L’entreprise loue une partie de ses espaces à des commerçants ou artisans. Pâtissiers, fromagers ou autres peuvent utiliser ces lieux cachés pour la production et le stockage de leurs produits et leurs préparations en cuisines partagées, en échange d’un loyer mensuel. Une manière de mutualiser ces espaces urbains et d’en faire profiter le tissu économique local.

Reste que ce modèle, s’il est intéressant, n’est pas forcément réplicable à très grande échelle, faute de place disponible. Si les espaces souterrains ne manquent pas en ville, leur utilisation à des fins alimentaires risque de faire concurrence à d’autres usages. En particulier le stationnement puisque de nombreuses villes réduisent les places de parkings en surface et que des solutions de parkings mutualisés ou partagés se développent en parallèle.

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