Le salon PRODURABLE, fondé en 2008 par Cécile Colonna d’Istria, s’est petit à petit imposé comme un rendez-vous incontournable pour les acteurs de la RSE et les solutions en faveur d’une économie plus durable. Le thème de cette 14ème édition est celui de la régénération. Cécile Colonna d’Istria nous explique pourquoi ce fil rouge a été choisi cette année, et pourquoi selon elle il est indispensable d’entrer collectivement dans une phase d’action, dont la formation sera l’un des aspects essentiels.


Les Horizons : Où en est-on de la mise en place de politiques RSE en entreprise aujourd’hui en France ?

Cécile Colonna d’Istria : Au fil des 14 éditions du salon PRODURABLE, nous sommes devenus un observatoire sur les sujets RSE. On peut noter que depuis 2018, ces sujets sont devenus stratégiques. L’entreprise s’est réellement appropriée la RSE depuis 3 ans. Ce qui signifie également que l’appropriation des enjeux de RSE a été longue. 

Pourquoi à votre avis ?

La RSE a longtemps été vécue comme une chose subie et contraignante par les entreprises, que ce soit au niveau des achats, des échanges internationaux etc. Mais depuis 3 ans il y a une accélération phénoménale de la prise en compte des enjeux, en particulier au niveau de l’ADN de l’entreprise. Aujourd’hui on ne dissocie plus la stratégie d’une entreprise de sa trajectoire de responsabilité. C’est le sentiment que j’ai. Et pour preuve, le salon PRODURABLE a quasi doublé de taille entre 2018 et 2021. C’est un indicateur du déploiement à plus grande échelle. De nouveaux produits et services arrivent sur le marché, les modèles établis sont bousculés. Les grandes entreprises commencent également à bouger sur ces sujets.

On est entrés dans une ère de la technicité de la RSE. Cela passe désormais par une phase active de formation.



Cette démocratisation de la RSE ne commence-t-elle pas malgré tout à être gagnée par les effets d’annonces et le greenwashing ?

Je ne pense pas. Un exemple avec La Loi Pacte et la notion d’entreprise à mission. Cette Loi change les statuts de l’entreprise. Ce n’est plus de la communication à ce niveau. Je pense qu’il faut dépasser cela. Il y a eu certes beaucoup de greenwashing, et il y en aura toujours un peu. Mais je pense que la RSE est un sujet sur lequel on a plus le droit de tricher ou de mentir. Je crois que c’est une réalité. 

Et c’est justement le parcours du salon. On est à un moment où il faut passer à l’étape supérieure. Il faut changer de braquet. Le temps de sensibilisation, de l’information, du partage de bonnes pratiques est révolu. Aujourd’hui c’est la régénération. On doit allier le fait de continuer à ne pas nuire, de limiter au maximum les impacts négatifs, tout en reconstituant. C’est-à-dire réparer, restaurer le vivant et les écosystèmes. Mais également nos produits et services grâce à l’économie circulaire, aux circuits courts, à l’éco conception. On doit également parler de régénérer la finance et la gouvernance des entreprises. Il faut ré assigner à la finance et aux entreprises un nouveau rôle qui n’est pas uniquement celui de faire du profit. C’est ça l’entreprise à mission. Cela fait 20 ans qu’on dit qu’il faut en finir avec le PIB. C’est ça pour moi la régénération. C’est réinventer les process. Et pour cela, il faut du courage et de la rupture.

Quel est le rôle des entreprises ?

Les salariés s’organisent en collectifs, des réseaux d’anciens étudiants se créent comme Alumni for the Planet. Donc dans et en dehors de l’entreprise les collaborateurs créent des mouvements. La société civile, les entreprises, la communauté scientifique, et malheureusement dans une moindre mesure les politiques, tout le monde converge sur ces sujets. On est entrés dans une ère de la technicité de la RSE. Cela passe donc désormais par une phase active de formation, de montée en compétence, et même de reformation. 

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La formation est la clé ?

Les écoles, les universités, les centres de formation continue, doivent intégrer des briques sectorielles et généralistes dans leurs cursus. Il existe un manque de compétences sur le marché. On s’est rendus compte que dans ces cursus on ne donnait pas assez d’éléments aux étudiants sur ces enjeux. Or il y a une nouvelle donne à intégrer. Il faut tout de même noter que des programmes dédiés à ces sujets commencent à voir le jour, et que la RSE prend plus de place au sein de programmes déjà existants. A ce sujet, Le Groupe AEF Info (NDLR: qui produit le salon PRODURABLE) lance d’ailleurs un événement le 21 octobre sur l’accélération de la transition écologique par la formation : Talents for the Planet. Les métiers liés aux énergies ou à l’agriculture ne sont pas les mêmes qu’il y a 10 ans. Il faut trouver les formations adaptées.

A qui s’adressent ces formations ? 

Il existe plusieurs catégories d’acteurs. Les jeunes diplômés qui cherchent une entreprise vertueuse qui va donner du sens à leur carrière professionnelle. Des personnes déjà en poste mais qui n’ont pas ces compétences. Des personnes en reconversion. On constate une très forte demande de reconversion dans des métiers liés à l’environnement, à la planète, à la biodiversité, à l’économie sociale et solidaire. Il faut les filières pour former ces gens.

Il faut ré assigner à la finance et aux entreprises un nouveau rôle qui n’est pas uniquement celui de faire du profit.



Quelles sont les actions concrètes observées ?

L’entreprise peut développer ses propres mini centres de formation en interne. En particulier lorsqu’il s’agit de faire monter en compétence les collaborateurs dans leur secteur d’activité. Sinon de nombreux partenariats sont conclus avec des organismes extérieurs, des collectifs, qui créent des modules pour déployer de l’intelligence collective, avec à la clé des idées et des solutions. Mais ce sont des actions à court terme, le temps d’une journée ou deux par exemple. On devrait aller sur des formations plus à moyen et long termes, qui visent à apprendre réellement ce qu’est de développer durablement son entreprise. On a beaucoup éduqué, maintenant il faut former. C’est l’étape d’après. Il faut passer d’une génération sensibilisée à une génération formée.

Selon vous, que faut-il mettre en œuvre dans les prochaines années ?

Je vais faire un parallèle avec le salon qui débute prochainement. La régénération est à l’origine un terme médical. C’est le fait pour une cellule malade de se reconstituer et de retrouver ses qualités premières. Il faut d’abord régénérer le vivant : la biodiversité, les sols, l’eau. Sans cela, et c’est basique, mais on ne peut pas survivre ! Puis vient la phase de régénérer les produits et services, développer les nouveaux usages et les généraliser. Ensuite, régénérer la gouvernance des entreprises et l’économie. La boussole de l’entreprise est aujourd’hui uniquement basée sur le résultat financier. Ne peut-on pas faire évoluer cela? Ne peut-on pas avoir une nouvelle comptabilité qui prendrait en compte l’environnement et le social ? Il faut ré assigner à l’entreprise un nouveau rôle et une nouvelle mission. Et enfin, régénérer la cohésion sociale. Comment faire revivre la cohésion sociale, se sentir uni, lié et concerné par l’autre. Concrètement, comment fait-on vivre l’emploi sur un territoire. La révolution écologique n’est pas une chose aisée.

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