Dans une décision du 25 février dernier, le Conseil d’État autorisait pour cette année encore l’utilisation de semences de betterave traitées aux néonicotinoïdes. Ces derniers, commercialisés par des géants de l’agrochimie comme Bayer ou Syngenta, sont des produits toxiques employés comme insecticides dans le but de protéger les cultures des insectes nuisibles.
Extrêmement répandus, les néonicotinoïdes sont les insecticides les plus utilisés dans le monde, et représentent environ 40 % du marché mondial pour ce type de produits. Dérivées de la nicotine, les propriétés biocides des néonicotinoïdes sont exploitées le plus généralement par des méthodes d’épandage sur le sol ou de pulvérisation sur la végétation, par injection dans les plants, ainsi que par l’enrobage des semences. Les produits toxiques agissent en affectant directement le système nerveux central des insectes, en ciblant dans leur cerveau des zones dont l’attaque peut mener directement à la paralysie et à la mort.
Si leur efficacité est ainsi indiscutable, il n’en reste pas moins que les néonicotinoïdes ont des effets inquiétants sur la faune et la flore, ainsi que sur l’être humain. Les abeilles sont les plus menacées par ces produits, qui affectent directement leur fertilité, leur système nerveux et digestif, ainsi que leur aptitude à retrouver le chemin de la ruche. Ces produits sont aussi classés comme cancérogènes probables pour l’être humain. Ils sont d’ailleurs interdits en Europe depuis 2018.
Mais en France, les producteurs de betterave bénéficient d’une dérogation depuis deux ans pour continuer d’utiliser ce produit proscrit pour protéger leurs cultures des pucerons verts, vecteurs de la maladie de la jaunisse qui affaiblit la plante et réduit les rendements. Dans sa décision du 25 février, le Conseil d’État a en effet estimé que « le risque d’une infestation massive de pucerons porteurs de maladies est réel et sérieux« , et « qu’il n’existe à ce jour, malgré les recherches en cours, aucun autre moyen suffisamment efficace pour protéger ces cultures« .
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Une vingtaines d’alternatives aux néonicotinoïdes sont étudiées
Le sujet du manque d’alternatives aux néonicotinoïdes n’est évidemment pas nouveau. Et cela fait désormais plusieurs années que des institutions de recherche, en particulier l’INRAE en France, étudient des solutions alternatives à ces produits. À l’occasion du Salon de l’Agriculture de mars 2022, l’INRAE a d’ailleurs organisé une table-ronde pour présenter les premiers résultats du PNRI, le Plan National de Recherche et d’Innovation, qui a pour objectif de trouver des solutions alternatives à l’usage des néonicotinoïdes d’ici 2024.
Ces recherches, entamées il y a un an, permettent déjà d’esquisser des possibilités pour limiter l’impact de la jaunisse sur les betteraves, et donc in fine le besoin de recourir aux insecticides. Les recherches, baptisées « vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière », ont ainsi retenu une vingtaine de projets.
Parmi ces projets, 3 d’entre eux ont particulièrement été détaillés à l’occasion du Salon de l’agriculture. Le premier, le « projet PROVIBE », repose par exemple sur une connaissance approfondie des populations virales infectant la betterave. Cette connaissance a pour objectif d’aboutir à une stratégie de protection qui prendrait la forme d’une sorte de vaccination, qui conférerait à une betterave infectée par un virus peu virulent la capacité de mieux se défendre face à des virus agressifs.
Le second projet, nommé SEPIM, se concentre sur la surveillance, l’évaluation et la prévision du risque lié aux pucerons et à la jaunisse. Les chercheurs en charge de ce projet visent à identifier les facteurs de risques de pucerons et de jaunisse, afin d’accroître l’efficacité des mesures de lutte en amont. Le dernier projet oriente les recherches sur les « plantes compagnes », des plantes semées en même temps que les betteraves ou quelques semaines avant, afin d’étudier les symptômes de la jaunisse.
Ces projets sont aujourd’hui en phase de test et les scientifiques de l’INRAE espèrent que les résultats leur permettront d’atteindre, d’ici 2024, l’objectif fixé par le gouvernement, de trouver des alternatives viables pour remplacer l’utilisation de ces intrants dans les champs. En parallèle, des startups privées cherchent également des solutions, notamment via la chimie ou l’agriculture de précision.
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La science des odeurs comme alternative aux intrants phytosanitaires ?
En parallèle de ces recherches, on voit également de nombreuses initiatives apparaître de la part de startups de l’agritech, autour du biocontrôle ou encore de l’agriculture de précision. Des initiatives qui, pour le moment, permettent surtout de réduire l’usage des intrants de synthèse dans les cultures mais qui ne les remplacent pas encore à 100%.
Parmi les structures les plus prometteuses, on peut néanmoins citer la société Agriodor, une startup née de plusieurs années de recherches à l’INRAE, qui a ambition de réduire la dépendance de l’agriculture aux pesticides de synthèse tels que les néonicotinoïdes grâce aux kairomones, des substances chimiques naturelles qui peuvent servir pour créer des parfums qui servent à attirer ou repousser les ravageurs des cultures.
Actuellement, l’entreprise développe principalement une solution de piégage de la bruche de la féverole pour protéger les cultures de haricots, mais ses travaux portent aussi sur l’identification d’une solution qui pourrait servir de répulsif pour les pucerons et permettre de protéger les cultures de betteraves. Des perspectives intéressantes qui pourraient donc voir le jour dans les prochaines années, pour le plus grand bien de la biodiversité.