Dans les eaux profondes, 80 % à 90 % des espèces ont développé la capacité d’émettre leur propre lumière pour ­assurer certaines fonctions essentielles comme se nourrir, trouver un partenaire pour la reproduction ou encore se protéger contre des prédateurs. C’est aussi ce que font les vers luisants et certaines algues planctoniques. On appelle ce phénomène la bioluminescence.

Et cette capacité à créer sa propre lumière sans électricité, c’est précisément ce qui a guidé Sandra Rey à créer Glowee en 2015. Cela répond aussi à une problématique environnementale. Aujourd’hui, 15% de l’électricité mondiale est consommée pour l’éclairage.

Cela représente 1,7 milliards de tonnes de CO2 chaque année. Il existe plusieurs startups qui utilisent la technologie pour créer des éclairages publics intelligents, c’est à dire moins énergivores. De son côté, Glowee ne travaille pas sur de l’intelligence artificielle où des capteurs connectés. La jeune entreprise se base davantage sur le biomimétisme afin de travailler sur un éclairage durable et résoudre également le problème de la pollution lumineuse. 

Glowee s'inspire de la lumière produite par les animaux marins.
Dans les eaux profondes, 80 % à 90 % des espèces ont développé la capacité d’émettre de la lumière pour ­assurer des fonctions essentielles. Photo : Glowee


La pollution lumineuse à des conséquences sur la biodiversité en ville

On parle de plus en plus de la pollution lumineuse et de ses conséquences néfastes pour l’environnement. En effet, l’éclairage permanent des rues, des jardins, monuments mais aussi des vitrines de magasins est depuis longtemps un problème qui ne cesse de s’accentuer. En France, par exemple, avec un total de 11 millions de points lumineux, la quantité de lumière émise par le seul éclairage public a augmenté de 94% en 20 ans.

Or la pollution lumineuse à des effets nocifs pour les humains et les animaux. Chez l’humain, les études ne sont pas encore totalement abouties mais on estime que la pollution lumineuse pourrait altérer le système hormonal et la sécrétion de mélatonine. En toile de fond, cela perturberait le sommeil ou encore la libido. Mais c’est sur la biodiversité que cette pollution a des effets désastreux. Elle réduit les espaces d’évolution et d’alimentation de certaines espèces, et augmente directement les risques de mortalité.

Ainsi, la chute des feuilles d’arbres est par exemple retardée à proximité des réverbères. Les oiseaux migrateurs se retrouvent désorientés par les faisceaux lumineux des villes. Des insectes virevoltent à en mourrir autour des lampadaires. Les amphibiens se retrouvent aveuglés par la lumière et ne peuvent plus distinguer leurs proies de leurs prédateurs. Les chauves-souris, chouettes et hiboux qui ont l’habitude de chasser la nuit en souffrent énormément car la lumière réduit leurs zones de chasse. Il y aussi des animaux qui ne sortent plus où sortent moins la nuit en raison de la luminosité trop forte et cela affecte considérablement leur alimentation et leurs cycles de reproduction. Ainsi cette lumière permanente participe au déclin continu de la biodiversité en ville. Un problème à l’heure où il s’avère primordial de préserver les espèces animales.

La lumière produite par la start-up Glowee provient de bactéries.
Grâce à l’apport d’un sucre particulier, les bactéries produisent une lumière douce et bleue. Photo : Glowee


Glowee, la bioluminescence pour nous éclairer durablement

De fait, la solution bioinspirée de la start-up Glowee pourrait permettre de résorber ce problème. Si les LEDs que nous utilisons actuellement consomment moins d’électricité qu’auparavant, elles créent beaucoup de pollution lumineuse. Surtout, elles sont fabriquées à partir de métaux et terres rares dont l’extraction est limitée et très polluante. Or la solution de Glowee est une lumière qui se nourrit de déchets organiques, à partir d’une matière première qui se cultive à l’infini.

L’entreprise utilise en effet un gène emprunté à une espèce de calamar. Ce gène responsable de la bioluminescence est intégré ensuite à des bactéries (de type E.Coli). Grâce à l’apport d’un sucre particulier, les bactéries produisent une lumière douce et bleue jusqu’à épuisement du milieu. La substance (liquide ou gélatineuse) issue des milieux de culture est alors incorporée dans des coques en résine biodégradable, transparentes et adhésives. Et voila comme cette lumière naturelle peut se fixer n’importe où. L’éclairage peut ainsi durer plusieurs heures, voire plusieurs jours, selon le milieu et la température.

A l’heure actuelle, la solution de Glowee est utilisée principalement lors d’événements. Parfois comme lumière apaisante dans des espaces de relaxation. Mais sur le long terme, la start-up souhaite amener la technologie en extérieur et proposer des alternatives à l’éclairage public. Le but est de proposer des systèmes durables de lumière pour le paysage de demain.

Des systèmes pour éclairer des monuments, des vitrines ou encore des espaces verts. L’entreprise de Sandra Rey doit relever certains défis pour rendre son offre compétitive. Amplifier la puissance lumineuse de ses produits et y intégrer un interrupteur par exemple. Mais demain, peut-être que cette douce lumière naturelle et non polluante éclairera nos villes pour le confort de tous, et de la planète aussi. 

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