Lancée il y a 3 ans par Michael Roes et Pierre Huguier dans la région bordelaise, la startup Toopi Organics est née de constats multiples : en France, plus de 200 milliards de litres d’eau potable sont souillés chaque année par notre urine. Une quantité d’eau astronomique, qui échoue directement dans les stations d’épuration, où les différents composants de l’urine (azote, mais aussi phosphore) se dispersent et ne sont pas valorisées.
Dans le même temps, au sein du secteur agricole, le recours aux engrais est nécessaire pour fertiliser les sols. Or, ces engrais sont eux aussi composés d’azote ou de phosphore, éléments qui sont généralement obtenus à partir de ressources fossiles et minières, via des processus qui engendrent des pollutions massives et qui sont également très onéreux.
La récupération de ces éléments présents au sein des urines humaines s’avère donc une solution qui permettrait de créer des engrais de manière renouvelable afin de favoriser une agriculture plus durable. Une solution qui s’inscrit aussi dans un souci d’autonomie, puisque la France est particulièrement dépendante des pays extra-européens en matière de production de nutriments et d’engrais.
Outre ces enjeux agricoles, la récupération des urines que propose Toopi Organics permet d’éviter que se répandent de manière incontrôlée dans l’environnement les rejets d’azote, de phosphore ou encore de xénobiotiques, des résidus pharmaceutiques présents dans les urines. Cette initiative permet aussi d’économiser l’eau, puisque la startup met en place des sanitaires sans eau qui collectent l’urine de manière séparative, c’est-à-dire qui n’a pas été mélangée à de l’eau ou à des matières fécales.
Lire aussi : Etteliot, un projet pour évacuer l’urine sous forme de brouillard
Une solution qui bénéficie aux établissements publics et privés
Toopi Organics collecte ainsi les urines au sein d’infrastructures qui reçoivent du public. Il peut s’agir d’établissements privés comme des stations services, des aires de repos sur les autoroutes, mais aussi de stades ou des sièges de sociétés. Ces collectes ont aussi lieu dans des établissements publics, dans des établissements scolaires ou des bâtiments publics. La startup compte par exemple parmi ses partenaires des structures comme le Futuroscope ou l’URSSAF de Bordeaux.
Michael Roes, l’un des co-fondateurs, indique à ce propos « viser tous les établissements où il y a un fort trafic, donc beaucoup de gens qui urinent, pour avoir des systèmes de collecte qui soient facilement rentabilisés pour l’exploitant. Car, à partir du moment où on installe notre solution avec des sanitaires sans eau, il y a une grosse économie d’eau pour ceux qui doivent exploiter ce bâtiment, donc il y a un intérêt pour eux à passer par notre modèle« .
Les urines ainsi récupérées par Toopi Organics ne sont pas directement transformées en engrais, mais utilisées en tant que milieu de culture pour faire pousser des bactéries. Ce sont les engrais microbiens ainsi obtenus que l’entreprise souhaite commercialiser, sous la forme d’un produit du nom de Bactipi. Ce produit, un fertilisant, est un bio-stimulant à base de micro-organismes qui permet de réduire les apports de phosphore en agriculture.
Toutefois, Michael Roes précise que le modèle économique final visé par Toopi Organics prendra la forme d’unités territoriales, qui seront construites avec l’appui de coopératives et de collectivités territoriales. Actuellement, la startup possède une usine située près de Bordeaux et de son siège de Loupiac de la Réole. Les fondateurs souhaitent implanter 20 usines en France d’ici à 5 ans, qui permettront chacune de recycler l’urine à 150 km à la ronde. L’objectif est de mettre une unité par métropole, « afin de faire l’interface entre la métropole où il y a des volumes d’urine importants et la campagne, où il y a des besoins de fertilisants », précise l’entrepreneur.
Un projet qui implique coopératives agricoles et collectivités territoriales
Les unités de transformation seront montées en « joint-venture », avec des sociétés de projet dans lesquelles sont invitées au capital des coopératives agricoles, qui ont accès aux marchés et aux consommateurs d’engrais ciblés, les agriculteurs. Ce projet nécessite de nouer des partenariats avec les coopératives agricoles et les collectivités. Ces partenariats sont toutefois assez longs à nouer, et requièrent en moyenne 2 à 3 ans.
Actuellement composée de 22 salariés, Toopi Organics démarrera début avril une levée de fonds, avec un objectif de closing en septembre. Ce projet permettra, selon l’entrepreneur « d’achever les R&D, monter les premières usines, et recruter« . Une initiative à suivre lors des prochaines années, d’autant plus que l’entreprise a déjà prévu de s’implanter à l’étranger : en Allemagne, au Brésil, au Bénin, et au Kenya. Ce développement et l’implantation d’unités de transformation pourrait permettre de préserver des quantités importantes d’eau, « tout en libérant les agriculteurs de la dépendance aux engrais minéraux, grâce à une alternative écologique, produite avec des intrants naturels plus efficaces et moins chers que les engrais chimiques« .