D’après un rapport établi par la société de conseil McKinsey en 2018, la consommation d’Hydrogène représentera 18% de la demande en énergie dans le monde d’ici 2050. Si aujourd’hui, cette énergie est majoritairement obtenue par un procédé émetteur de CO2, il existe des alternatives pour faire de l’hydrogène une énergie verte à part entière. Nous avons échangé à ce sujet avec Christelle Rouillé, CEO de Hynamics, filiale du groupe EDF, qui produit de l’hydrogène bas carbone par électrolyse de l’eau.
Christelle Rouillé, quelle est l’activité de Hynamics, exactement ?
Christelle Rouillé : Le métier de Hynamics est d’abord celui de producteur d’hydrogène bas carbone, car nous avons en France un mix-énergétique bas carbone grâce au nucléaire, à l’hydroélectrique et aux énergies renouvelables. Nous produisons de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Mais Hynamics a aussi la vocation de vendre et de commercialiser cet hydrogène aux clients privés et publics qui le souhaitent. Le modèle d’affaire est très simple : nous investissons dans des ouvrages de production et nous développons ces projets sur toute la chaîne, du plan jusqu’à la maintenance.
C’est un sujet nouveau pour EDF ?
Le sujet de l’hydrogène n’est pas totalement inconnu pour EDF. Cela fait près de 10 ans que nos laboratoires et centres R&D travaillent sur ces sujets, notamment pour de l’électrolyse via des membranes céramique par exemple, donc ce ne sont pas des choses nouvelles. Ce qui l’est en revanche, c’est le fait de pouvoir aborder l’hydrogène de manière plus business.
Qu’est ce qui explique ce décalage ?
La R&D a été longue à se lancer car d’autres sujets répondaient déjà aux enjeux climatiques, comme les batteries et les véhicules électriques. Mais ça ne suffit plus donc les moyens ont aussi été mis sur l’hydrogène. Ensuite, la règlementation avance, et la réduction des CAPEX pour les électrolyseurs joue également. C’est une combinaison de différents facteurs.
Il y a un soutien ou un intérêt de la part des pouvoirs publics pour l’hydrogène ?
Oui, et ce dans la quasi-totalité des pays. Mais, peut-être pas encore à la hauteur de ce que cela devrait être. La prise de conscience est claire, la volonté de faire paraître l’hydrogène comme un vecteur de décarbonation et comme vecteur important de la transition énergétique existe. Mais on n’a pas encore les moyens suffisants pour pouvoir être à la hauteur de nos ambitions et de l’enjeu.
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Quels sont vos objectifs sur l’année 2020 ?
Il faut continuer à travailler sur la technologie. Nous travaillons à l’augmentation de la performance. À ce sujet, le groupe EDF a pris une participation de 17 millions d’euros dans McPhy fabricant français d’électrolyseurs. Ensuite, nous allons continuer à faire un travail de pédagogie auprès des clients privés et des collectivités publiques. Et nous cherchons à faire émerger de gros projets qui vont aider à industrialiser la fabrication des électrolyseurs, pour faire baisser les coûts finaux.
Quels sont les exemples de collectivités qui ont enclenché les démarches pour se mettre à l’hydrogène ?
Les villes de Pau ou de Versailles sont bien avancées. La ville de Dijon va également investir dans l’hydrogène. Montpellier et Auxerre devraient rapidement suivre. Ce qu’on constate, c’est que les villes et les métropoles ont compris l’intérêt. Maintenant ce sont des décisions qui prennent du temps, dans un timing politique long lui-aussi. Sans oublier qu’il n’y a aujourd’hui pas assez de véhicules sur le marché pour massifier les usages.
Le transport, c’est le champ d’application que vous visez ?
Le rôle de l’hydrogène va être de décarboner l’économie, notamment l’industrie et le transport. Aujourd’hui les industriels, les raffineries par exemple, utilisent déjà l’hydrogène avec la technique du vaporeformage qui est une technique de fabrication très carbonée : un kilo d’hydrogène équivaut à 10kg de CO2 émis. Mais cette technique est extrêmement compétitive en terme de prix, à environ 1.5€/kg du kilo. Donc, pour être rentable, nous regardons là où les usages sont importants.
En matière de transport, nous nous intéressons à la mobilité lourde, les flottes de bus ou de camions à ordures ménagères par exemple. Il existe aussi des applications dans le ferroviaire, via des prototypes de trains comme le Régiolis bimode, du groupe Alstom. En France, nous avons un réseau ferroviaire très électrifié donc nous sommes encore au stade du plan du prototype, mais en Allemagne ces rames sont déjà commercialisées. C’est une preuve que cela fonctionne. Toujours en matière de transports, on regarde aussi le maritime, avec des bateaux qui vont d’une île à l’autre ou d’une île vers le continent, comme la Corse où les îles bretonnes.
Quels sont les objectifs et perspectives à court ou moyen terme sur ce marché ?
Nous visons le leadership européen de la production d’hydrogène bas carbone. Notamment en France, au Royaume-Uni, en Belgique et en Allemagne. Nous avons une feuille de route ambitieuse, avec des investissements conséquents, même si la production par électrolyse n’est pas aussi compétitive que le vaporeformage.
Qui sont vos concurrents sur ce marché ?
Le marché étant émergent il n’y a pas vraiment de concurrence à date. L’idée est que la filière se structure pour faire croître le marché, pour que ce dernier se développe et n’ai, à terme, plus besoin d’aides. Aujourd’hui, sans le soutien des Etats et de l’Europe, nous n’arriverions pas à faire sortir des projets. Notamment sur la partie mobilité où les autres énergies, en particulier le diesel, restent encore plus intéressantes en terme de prix.
Pour revenir à la concurrence, les énergéticiens devraient progressivement arriver sur le marché. Les producteurs d’électricité renouvelables s’y mettront aussi car les débouchés seront intéressants, ou encore les gaziers industriels qui doivent renouveler leur modèle.