Anicia Jaegler est professeure de supply chain management à la Kedge Business School ; Joerg S. Hofstetter est associate professor à la Kedge Business School. 
Cette tribune a été initialement publiée sur le site The Conversation

Si dans l’inconscient collectif, une énergie renouvelable – produite, par exemple, grâce à la biomasse, aux biofuels, aux éoliennes ou aux panneaux solaires – est forcément verte, qu’en est-il dans les faits ? Car pour une énergie authentiquement verte, son cycle de vie entier doit être pris en compte et notamment le recyclage des matières premières. Or ce domaine est encore en voie de structuration, comme l’illustre le secteur des panneaux solaires.

Selon PV Cycle, organisme public chargé du recyclage des panneaux solaires, il est possible de recycler 100 % des modèles aux silicium cristallin, majoritaires sur le marché mondial du photovoltaïque. Encore faut-il avoir les infrastructures pour…

La transition vers l’économie circulaire

En 2015, la Commission européenne a lancé un plan d’action pour soutenir la transition des pays de l’UE vers une économie circulaire ; ce plan propose un large éventail de mesures pour maintenir le plus longtemps possible la valeur des produits, des matériaux et des ressources tout en minimisant la production de déchets.

L’économie circulaire s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels et se compose de boucles vertueuses : elle cherche à préserver la valeur et la qualité intrinsèque des produits, des composants et des matériaux à chaque étape de leur utilisation. Il s’agit de préserver et de développer le capital naturel, d’optimiser le rendement des ressources et de minimiser les risques systémiques par la gestion des stocks et des flux de ressources.

L’économie circulaire est étroitement liée au concept « cradle to cradle »(« du berceau au berceau », pour désigner la possibilité du recyclage permanent) qui cherche à éliminer les déchets en mettant chaque élément d’un produit dans un cycle biologique sans fin (basé sur la décomposition) ou un cycle technique sans fin (basé sur le recyclage). Pour que le concept fonctionne, il est nécessaire qu’après un cycle de vie, la qualité du matériau reste identique.

Or l’analyse du cycle de vie des énergies renouvelables met en lumière des impacts environnementaux loin d’être toujours positifs. En 2016, l’Union européenne a posé les contours de sa politique énergétique pour les 10 prochaines années. Il s’agit d’accroître l’éco-efficience et d’augmenter le taux d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Où en est aujourd’hui l’écosystème des panneaux solaires compte tenu de ces deux grands objectifs européens ?

Les panneaux solaires sont tout à fait recyclabes
Il est possible de recycler 100 % des modèles aux silicium cristallin, majoritaires sur le marché mondial du photovoltaïque

Le cycle de vie des panneaux solaires

Une installation photovoltaïque se compose de panneaux solaires, d’un onduleur et d’un compteur. C’est en 1839 qu’Antoine Becquerel découvre l’effet photovoltaïque. Ce dernier est basé sur le comportement des matériaux semi-conducteurs lorsqu’ils reçoivent un rayonnement solaire. Les photons des rayons du soleil transmettent leur énergie aux électrons du silicium contenu dans les panneaux qui vont générer un courant électrique. Grâce à l’onduleur, l’électricité́ obtenue est transformée en courant alternatif compatible avec le réseau électrique.

La conception, notamment celle des matériaux liés à l’effet photovoltaïque, de la plupart des panneaux solaires installés est ainsi faite qu’une substitution par de nouveaux panneaux solaires est obligatoire après un certain temps d’utilisation.

C’est bien le cycle de vie complet des panneaux qu’il faut prendre en compte. Si l’énergie solaire peut en effet paraître propre au niveau de son fonctionnement, qu’en est-il de la fabrication des panneaux et de leur fin de vie ?

Le principal impact environnemental des panneaux concerne la consommation d’énergie et de ressources lors de leur fabrication. En moyenne, il faut entre 2 à 3 ans aux panneaux pour produire l’énergie qu’il a fallu pour les fabriquer. Les premiers panneaux mis sur le marché avaient une durée de vie d’environ 25 ans quand aujourd’hui Tesla garantit ses tuiles solaires sans durée limitée. Et, en moyenne, 85 % des composants des panneaux sont recyclables (ADEME, 2016).

Mais les panneaux solaires installés à la fin des années 1980-1990 arrivant en fin de vie – avec un pic dès 2020 – il est essentiel de développer des solutions pour leur traitement et recyclage.

Des avancées concrètes pour recycler

Aujourd’hui, certains fabricants ont déjà bien avancé sur ces aspects.

Une première avancée est la notion de service en lieu et place du produit. Le constructeur ne vend plus un produit et donc un panneau solaire mais une solution (http://www.service-sens.com/ne-vendez-plus-vos-produits-vendez-lusage/). Le fabricant reste ainsi propriétaire du produit et peut donc gérer la fin de vie du panneau solaire. L’optimisation du cycle de vie du panneau solaire est facilitée.

Si l’on se concentre sur cette fin de vie des panneaux, plusieurs innovations sont à noter. Véolia va ainsi ouvrir la première usine de recyclage de panneaux solaires en France et envisage un taux de recyclage de 98 %.

La France n’est pas le pays produisant le plus de déchets dus à l’énergie solaire. La Chine, les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Allemagne se taillent la part du lion et produiront environ 70 millions de déchets d’ici à 2050. De nombreuses usines de recyclage devront donc voir le jour.

Encore d’autres initiatives : le producteur de panneaux photovoltaïques First Solar met en place une filière de collecte et de recyclage. Il recycle notamment le caoutchouc pour des semelles de chaussures ou le verre en verre recyclé. Un signal fort est enfin donné par la division SunPower de Total. L’entreprise vend désormais des panneaux solaires certifiés « Cradle-to-Cradle Silver ».

Panneaux solaires
Véolia va ainsi ouvrir la première usine de recyclage de panneaux solaires en France et envisage un taux de recyclage de 98 %.

Incontournable écoconception

Si les énergies renouvelables bénéficient aujourd’hui d’une image positive, qu’en sera-t-il quand la première grande vague d’éoliennes et de panneaux solaires devront sortir du réseau ? Il s’agit d’un immense défi car une quantité importante des matériaux rares et de haute qualité utilisés pour les panneaux solaires ne peuvent par exemple pas être recyclés de manière rentable.

De plus, le marché des panneaux solaires est encore inscrit dans un modèle linéaire. Les cellules multicouches – qui ne sont pas conçues pour le démontage – ne peuvent pas être facilement séparées et constituent un problème pour le recyclage. Les panneaux se retrouvent dans un broyeur produisant une qualité de matériau inférieure.

Le secteur de l’énergie solaire doit ainsi intensifier ses efforts pour travailler sur tous les aspects du cycle de vie des panneaux solaires, et ne pas se focaliser sur la seule performance. L’écoconception pour faciliter le recyclage est désormais incontournable.


Lire aussi : Solaire Power!  où comment l’énergie photovoltaïque est en plein essor à travers le monde.