Aujourd’hui, le secteur des transports représente 30% des émissions de gaz à effet de serre de la France, ce qui en fait le 1er secteur sur lequel agir afin d’aligner notre trajectoire avec les objectifs de l’Accord de Paris. Pour cela, il existe plusieurs leviers dont le fait de développer davantage l’utilisation des transports en commun comme alternative à la voiture individuelle. Un report modal essentiel compte tenu du fait que l’électrification du parc automobile prend plus de temps que prévu et qu’il ne constitue pas une mesure suffisante pour décarboner le secteur sans autres changements. « Convertir l’ensemble du parc automobile à l’électrique, sans autres changements structurels, semble peu compatible avec l’objectif de neutralité carbone » précise ainsi le Haut Conseil pour le Climat dans son dernier rapport d’activité.

Dans ce même rapport, le Haut Conseil pour le Climat regrette cependant que les politiques menées ces dernières années en faveur des transports en commun sont justement trop peu ambitieuses pour atteindre notre objectif. Il pointe notamment du doigt le fait que « le déploiement des transports en commun et des transports ferroviaires n’est pas équilibré sur le territoire, et n’est pas assuré de manière pérenne faute de soutien financier dans la durée », ajoutant que « la pérennité des financements du service public de transports publics reste préoccupante, avec un modèle économique des transports en commun fragilisé ».

La question du financement des transports publics est évidemment au coeur des préoccupations des territoires et des collectivités depuis bien longtemps. D’autant plus que, pour inciter les usagers à utiliser les transports, c’est bien évidemment le levier du prix qui est le plus souvent utilisé. C’est d’ailleurs particulièrement le cas dans un contexte de crise énergétique et écologique. Au printemps, alors que débutait tout juste la guerre en Ukraine, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) avait par exemple dévoilé une liste de 10 mesures pour réduire notre dépendance au pétrole. Et sans surprises, « Rendre l’utilisation des transports publics moins chère » figurait en 4ème position sur cette liste.

Un sujet qui a été pris au sérieux par plusieurs de nos voisins européens, en Allemagne, en Espagne ou encore en Autriche.

9-Euro-Ticket en Allemagne en 2022


En Allemagne, l’expérience plébiscitée du 9-Euro-Ticket

En Allemagne, c’est le fameux « billet à 9€ » qui a connu un succès retentissant cet été et un succès médiatique à travers toute l’Europe. Ce 9-Euro-Ticket, à renouveler chaque mois, permettait d’utiliser presque tous les transports publics locaux et régionaux d’Allemagne pendant les mois de juin, juillet et août 2022. Cela comprenait les bus de banlieue, les métros et les trains de banlieue, ainsi que les liaisons de trains locaux et régionaux. L’objectif : détourner les allemands de la voiture individuelle et les inciter à prendre les transports en commun.

Une mesure qui a coûté 2,5 milliards d’euros à l’État fédéral Allemand et qui a bénéficié à 31 millions d’allemands sur la période, avec des résultats contrastés en matière d’efficacité. Les premières études réalisées sur ce dispositif démontrent ainsi que le trafic ferroviaire a considérablement augmenté (+42%) avec des externalités négatives prévisibles : trains bondés et trains en retard. À l’échelle locale et sur certains trajets, il y a des résultats intéressants. À Munich, une étude a par exemple démontré que 35% des habitants de la ville avaient fréquenté davantage le bus et le train. Une autre étude démontre également que, dans 23 des 26 plus grandes villes allemandes, la congestion du trafic a diminué sur cette période.

En parallèle, le trafic automobile n’a pas tant diminué que cela à l’échelle nationale. Cependant, c’est aussi à mettre en exergue avec une autre mesure prise par le gouvernement allemand pour réduire le prix de l’essence à la pompe. Cette réduction – de 35 centimes par litre d’essence et 16 centimes pour le diesel – ayant aussi incité les automobilistes à ne pas se passer de leurs véhicules dans un contexte où les prix à la pompe augmentaient fortement.

Après 3 mois, le 9-Euro-Ticket n’a pas été prolongé par le gouvernement allemand. Pour autant, près de 80% des Allemands se disent favorables à sa poursuite, ce qui prouve que la mesure est populaire. C’est évidemment une question budgétaire qui pose problème puisqu’il faudrait investir davantage dans les infrastructures pour absorber correctement la hausse du trafic sur une base annuelle. Par ailleurs, cela coûterait entre 10 et 12 milliards d’euros par an au gouvernement, ce qui n’est pas un petit budget. Néanmoins, cet axe de travail fait écho à une mesure similaire prise en Autriche, qui mise de son côté sur un « ticket climat » annuel pour favoriser l’usage des transports collectifs.

rails train


Un pass annuel à 3€ par jour en Autriche, des trains gratuits en Espagne

3 euros par jour, soit 1 095€ par an, c’est le prix que peuvent payer les autrichiens pour bénéficier du « Klima Ticket ». Mis en place depuis novembre 2021, il permet de se déplacer de manière illimitée sur les réseaux de transports publics et privés du pays. Évidemment, tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un tel sésame, qui a tout de même séduit 140 000 personnes dès les premiers mois de son lancement.

L’Espagne se saisit également du levier « prix » pour développer davantage l’usage des transports en commun. Ainsi, depuis le premier septembre, l’État espagnol a décidé de rendre gratuits certains billets de train. La mesure coûtera 221M€ au gouvernement. Elle a pour ambition de détourner les espagnols de la voiture individuelle dans un contexte d’inflation et de lutte contre le changement climatique. Déjà au mois de juin, le gouvernement avait décidé d’une réduction de 30 % des prix des tickets de métro, de bus et de tramway.

Comme en Allemagne, la mesure est encadrée dans le temps. Elle durera 4 mois, jusqu’au 31 décembre 2022 et sera soumise à condition. Chaque usager qui souhaite en bénéficier devra en effet s’acquitter d’une caution allant de 10€ à 20€, qui lui sera remboursée si au moins 4 trajets par mois sont effectués sur les 4 mois de l’opération. En revanche, contrairement à l’Allemagne et à l’Autriche, la mesure prise en Espagne est encadrée dans l’espace et concerne les lignes de manière locale. Ainsi, un pass acheté à Séville ne peut pas servir à Barcelone. Une mesure qui remet le sujet de la gratuité des transports sur le devant de la scène.

La gratuité des transports en commun comme levier pour réduire l’usage de la voiture individuelle est en effet depuis longtemps un sujet de débat. En France, les expériences menées dans des agglomérations comme Dunkerque prouvent que cela fonctionne, mais à condition d’avoir des infrastructures à la pointe, au risque de dégrader l’expérience client. Retards sur les lignes ou transports bondés sont en effet des « repoussoirs ». C’est aussi ce que l’on apprend du ticket à 9€ en Allemagne.

Ailleurs en Europe, d’autres pays agissent sur ce levier prix pour inciter à l’usage des transports en commun. L’Irlande a par exemple proposé une baisse de 20 % du prix des billets de train au mois de mai dernier dans cette optique. En France, la SNCF est régulièrement pointée du doigt pour ses prix exorbitants et l’État pour ses largesses vis-à-vis du transport aérien ou des constructeurs automobiles au détriment des mobilités bas-carbone. Pour autant, aucune mesure en faveur d’une baisse des prix ne semble envisagée pour le moment.

En outre, l’INSEE révèle une autre réalité qui contraste avec ce que pratiquent nos voisins européens : entre avril 2021 et avril 2022, l’indice de prix du transport de passagers par train en France a augmenté de 14,6%.