Dans son sixième et dernier rapport en date, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) insiste sur le fait que le réchauffement climatique entraîne une augmentation en fréquence et en intensité des évènements climatiques extrêmes. Ces évènements correspondent aux inondations, sécheresses, vagues de chaleurs et incendies.

L’histoire récente est pavée de ces évènements extrêmes. L’un des plus emblématiques est la canicule de 2003 en Europe (15 000 morts en France, 7 000 morts en Allemagne, 18 000 morts en Italie). Plus récemment, on peut citer le fameux « dôme de chaleur » qui a fait suffoquer le Canada en 2021 et se souvenir du destin funeste de la commune de Lytton, entièrement détruite par un incendie après que la température y soit montée jusqu’à 50°C. En 2022, c’est au Pakistan que des inondations extrêmes engloutissaient près de 10% de la surface du pays, causant la destruction de 246 ponts et de 1,6 million d’habitations.

Et alors que les experts du Giec estiment que le réchauffement climatique pourrait dépasser le seuil des 1,5°C dès 2030 et atteindre +2°C en 2050, notre capacité à prédire et anticiper ces évènements climatiques extrêmes va devenir un enjeu majeur pour la sécurité des biens et des personnes. Et c’est peut-être l’intelligence artificielle qui sera la solution pour nous aider à mieux prédire ces phénomènes.

C’est en tout cas l’objet des travaux d’une équipe interdisciplinaire de scientifiques français du CNRS, du CEA et de l’Université Claude Bernard Lyon 1 emmenée par Freddy Bouchet, directeur de recherche au CNRS et physicien spécialiste de l’étude des extrêmes du climat.


Enrichir les données sur les évènements climatiques

Dans un article paru dans Physical Review Fluids le 4 avril, cette équipe de scientifiques lève le voile sur une partie de leurs travaux et démontre comment une intelligence artificielle correctement entraînée peut aider à prédire les canicules.

« Le problème avec les évènements météorologiques extrêmes, c’est que nous manquons de données pour les quantifier. Les inondations au Pakistan, la canicule en Amérique du Nord ou même la canicule en Europe en 2003, ce sont des évènements qui sont sans précédent au niveau historique. Donc nous avons beaucoup de mal à quantifier leur probabilité à la fois dans le climat actuel et dans le climat futur » explique Freddy Bouchet.

Alors, pour contourner cette difficulté, les scientifiques travaillent sur des algorithmes qui permettent, en utilisant des modèles climatiques, de multiplier l’occurrence de ces évènements. « Par exemple, nous avons simulé un climat qui correspond au climat des années 2000, et nous avons fait tourné ce modèle pendant 8 000 ans dans un cadre stationnaire, c’est-à-dire que le climat n’évolue pas pendant 8 000 ans. Cela permet d’obtenir des statistiques sur les évènements extrêmes » ajoute le chercheur.

Basée sur le « deep learning », cette méthode permet aux scientifiques d’enrichir leurs données sur les évènements climatiques extrêmes et de permettre ensuite de développer des modèles statistiques pour prédire les évènements extrêmes en fonction des conditions environnementales telles que l’humidité des sols et l’état de l’atmosphère.

Pour l’heure, les chercheurs ont encore besoin de faire tourner leurs modèles mais aussi de tester ces algorithmes dans un cadre opérationnel. À terme, l’objectif sera de permettre un usage complémentaire aux prévisions météorologiques classiques ou aux modèles climatiques, dans la prévision des phénomènes rares. Une technologie qui pourrait aussi servir dans le domaine des énergies renouvelables afin d’aider au pilotage de ces sources d’énergie en anticipant les extrêmes de production.

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