Entre 2015 et 2018, c’est-à-dire dans les 3 ans qui ont suivi la signature des Accords de Paris, les plus grandes banques mondiales ont dirigé environ 1 900 milliards de dollars vers des projets de développement d’énergies fossiles. Rien qu’en France, les 4 plus grandes banques du pays (Crédit Agricole, BNP Paribas, le groupe Banque Populaire-Caisse d’Epargne et la Société Générale) orientent encore 70% de leurs financements dans le domaine des énergies vers les énergies fossiles. Dans ces derniers rapports publiés en 2021 et 2020, l’ONG Oxfam France explique que l’empreinte carbone des grandes banques françaises représente près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre nationales de la France et les conséquences de leurs politiques d’investissements, en contradiction totale avec l’Accord de Paris, mène à un réchauffement climatique de l’ordre de +4°C d’ici à 2100.
Autant dire que pour permettre à l’économie mondiale de se mettre en conformité avec les objectifs de l’Accord de Paris, le chemin est encore long, et pourtant essentiel. Les lignes sont évidemment en train de bouger sur ce sujet, comme en témoignent les engagements récents, par exemple, de la Banque Postale, qui a décidé de sortir du gaz, du pétrole et du charbon d’ici à 2030 en liquidant les 1,2 milliard d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles qu’elle possède et en refusant de financer des projets liés à ces énergies. La France compte également quelques établissements financiers « historiques » qui, depuis quelques années, soutiennent déjà activement la cause environnementale. C’est particulièrement le cas du Crédit Coopératif ou de la société financière La Nef.
Créée en 1988, cette dernière est une coopérative bancaire citoyenne, agréée Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS), qui figure parmi les références de la finance éthique en France. Elle compte 80 000 clients, dont 41 700 sociétaires et, depuis plus de 30 ans, elle ne finance que des projets considérés d’utilité écologique, sociale, ou culturelle. La banque affiche d’ailleurs sur son site la liste des projets qu’elle finance dans un rare souci de transparence pour le secteur. Signe que son impact est réel, Carbon4 Finance estime qu’elle émet ainsi 121 tCO2e/M€ investi contre 423 tCO2e/M€ en moyenne pour les grandes banques françaises.
Une levée de fonds de 30M€ pour acter son indépendance
Mais pour exercer leur activité bancaire, l’ACPR (l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) avait exigé, à la création de la banque à la fin des années 1980, qu’elle soit adossée à un établissement bancaire de taille plus importante qui garantirait ainsi sa solvabilité auprès de la Banque de France. C’est historiquement le cas avec le Crédit Coopératif, lui-même propriété du groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d’épargne). Ayant la volonté de s’affranchir de cet adossement, les sociétaires de La Nef ont décidé, le 21 mai dernier, de voter “pour l’autonomie de la Nef” et le 30 juin, la société a déposé un dossier de transformation d’agrément auprès de l’ACPR (banque de France) pour pouvoir exercer leur activité bancaire sans établissement d’adossement.
“L’urgence climatique, la guerre aux portes de l’Europe et la crise sociale nous obligent plus que jamais à repenser notre société et à créer des outils financiers au service d’un monde plus respectueux des Hommes et de l’environnement. Depuis plus de trente ans, la Nef construit les bases de cette alternative. Aujourd’hui le moment est venu de donner à cet outil une place au cœur de la société française et d’offrir à chacun la possibilité d’y participer.” précise Bernard Horenbeek, Président du Directoire de la Nef dans un communiqué.
Pour cela, l’entreprise a besoin d’amorcer une forte augmentation de son capital social et cherche à lever 30 millions d’euros auprès de particuliers souhaitant devenir sociétaires de la coopérative via un dispositif baptisé « Le Big Banque ». Une révolution dans le monde de la finance si le projet aboutit ? Avec un milliard d’euros d’encours en 2021, la Nef reste un acteur modeste dans le paysage bancaire français. Elle prouve cependant qu’un autre modèle est possible et qu’il y a de la place pour les projets financiers écologiques, mais aussi éthiques et responsables. “Notre ambition se situe au-delà de notre impact carbone. L’action sociale par exemple, indissociable des enjeux climatiques, est depuis toujours au cœur des enjeux de société que nous défendons » conclut à ce sujet Léo Miranda, Directeur Marketing de l’entreprise.