Nous avons rencontré Caroline Renoux du cabinet de recrutement Birdeo, spécialiste de l’emploi sur les métiers de l’environnement, la RSE et l’économie sociale et solidaire. Elle nous livre son retour d’expérience sur les tendances actuelles de l’emploi dans le domaine de la transition écologique, les secteurs qui recrutent actuellement et les métiers de demain dans le monde du développement durable.



Dans cet article :

1- Les tendances de l’emploi sur les métiers liés à l’environnement
2- Les métiers à impact aujourd’hui et demain
3- Les formations pour travailler dans ces métiers



Les Horizons : Caroline Renoux, pour commencer, est-ce que vous pouvez nous présenter Birdeo ?

Caroline Renoux : Birdeo, c’est un cabinet de recrutement que j’ai fondé il y a 8 ans maintenant. Notre métier est d’identifier les professionnels des nouveaux enjeux sociétaux, ce qui englobe la RSE, le développement durable, l’ESS et les entreprises à impact positif et entreprises à mission. On fait du recrutement – de la chasse de tête – et également du placement de freelance. On va d’ailleurs lancer prochainement une plateforme sur le web dédiée aux freelances de ce secteur qui va s’appeler People for Impact. 

jeune femme tenant une feuille d'arbre dans ses mains

Les tendances de l’emploi sur les métiers liés à l’environnement

Quelles sont les tendances que vous voyez émerger dans ce secteur aujourd’hui ? 

Le marché de l’emploi sur les métiers dédiés aux problématiques environnementales a beaucoup évolué. Quand j’ai démarré il y a 8 ans c’était à peine un marché de niche, il y avait à peine un marché en fait. Je rencontrais des profils qui, en général, s’étaient formés seuls et qui faisaient ça par passion. Aujourd’hui il y a deux phénomènes : d’abord le secteur se professionnalise de plus en plus et ensuite, il y a de plus en plus de besoins.

On voit notamment un grand changement depuis la COP21. C’est un évènement qui a déclenché quelque chose. Il y a aussi eu une grosse prise de conscience des enjeux climatiques ces dernières années, ce n’est pas seulement la COP21, mais il y a eu beaucoup de progrès grâce à cela parce qu’une partie de ce marché est poussé par la réglementation et la COP21 a permis de structurer un certain nombre de choses à ce sujet. 

Il y a plus d’entreprises qui recrutent sur les métiers liés à l’environnement ou plus de candidats qui sont intéressés par ces perspectives de carrière ? 

Le nombre d’entreprises à avoir besoin de ces métiers est beaucoup plus important. Que ce soit des entreprises classiques qui ont envie de faire davantage sur ces sujets ou que ce soit ce qu’on appelle des entreprises à mission – c’est à dire qui se sont fondées avec cet objectif d’avoir un impact social et environnemental positif.

Ensuite, il y a aussi de plus en plus de candidats qui s’intéressent à ces sujets. Ce qu’on voit également, c’est qu’il y a davantage de candidats qui sont très formés sur ces métiers et qui ont des exigences en terme de carrière. C’était moins le cas avant.

Pour travailler dans ces métiers, il faut avoir une posture positive mais pas une posture « militante»

Qui sont vos clients ? 

Dans notre modèle, il y a vraiment tout type d’acteurs. On travaille pour de grandes entreprises, notamment. Par exemple pour une banque on a recruté un directeur de la transition énergétique, des directeurs RSE. Après il y a aussi les cabinets de conseil qui sont spécialisés sur les problématiques RSE et développement durable. On travaille également avec des entreprises à mission où là, on recrute des profils classiques comme des DAF ou des DRH. Mais dans ce cadre, on recherche des profils qui ont la culture générale et qui portent en eux les valeurs liées aux sujets environnementaux. On travaille aussi avec des acteurs dans le domaine des énergies renouvelables et de la finance responsable par exemple.

Côté start-up ? 

Alors il y a beaucoup de start-up qui se créent avec une vocation sociale et environnementale. Mais s’il y en a beaucoup qui se créent, elles restent encore à taille humaine. Donc il y en a très peu qui vont faire appel à nous. Après, les autres start-up, malheureusement – et c’est un réel problème – elles n’intègrent pas les problématiques RSE. Pourtant, c’est dommage car on observe que les financiers regardent de plus en plus ces critères. Donc si elles veulent continuer de pouvoir lever de l’argent, ça va devenir un critère déterminant. 

Chez vos clients y a t’il de plus en plus de volontarisme, de budgets pour faire évoluer les choses ? 

Il y a de plus en plus de volontarisme, oui. Pour deux raisons essentiellement : certaines entreprises y voient un moyen d’être innovant et de créer de la valeur ajoutée qui soit positive pour tout le monde. Pas seulement l’entreprise. Et puis il y a ceux pour qui c’est plus de la contrainte règlementaire. Après, il y a en effet plus de budgets qu’avant, mais ça reste en retrait des investissements qu’on peut voir dans l’IT par exemple.

Caroline Renoux
Caroline Renoux a fondé Birdeo il y a 8 ans. Photo : David Hury



Les métiers à impact aujourd’hui et demain

Quels sont les qualités requises pour travailler dans les métiers liés à l’environnement ?

Il ne suffit pas de vouloir faire ces métiers là pour réussir. Il y a plusieurs couches qui sont nécessaires. Il faut des convictions et des valeurs, mais ça n’est pas suffisant. Sur ces métiers, il faut aussi comprendre qu’on doit avoir la bonne posture dans le sens où il faut avoir une posture positive mais pas une posture « militante ». Il faut être dans une optique de créer de la valeur autour de ça, et d’être ouvert au dialogue : être engagé, mais pas militant.

Après il faut aussi avoir une excellente culture générale sur ces thématiques car, comme le dit Edgar Morin, on est dans un monde complexe où tout est interdépendant. Il faut être conscient de ça. Ensuite, il faut avoir un réseau et penser à développer son réseau. C’est un facteur d’accélération. On avance beaucoup plus ensemble et c’est un secteur où c’est assez facile de développer son réseau parce que les gens sont globalement ouverts et volontaires pour le faire. L’aspect communauté est plus développé dans ces métiers. C’est un secteur où les gens adorent se rencontrer, adorent créer des évènements ensemble. C’est vraiment très ouvert.

En outre, il faut aussi des soft skills spécifiques parce qu’il faut être courageux et persévérant. Pourquoi ? Parce que c’est pas comme quand vous faites du digital ou de l’IA ou là, on on vous donne un budget, on vous déroule le tapis rouge. Pour les problématiques liées à la RSE, au développement durable, c’est beaucoup plus difficile. On vous dit souvent non. On vous dit souvent que c’est trop cher. Et on vous dit souvent que ça ne sert à rien. Donc il faut avoir les ressources de recommencer et de ne pas se décourager. 

Quels sont les métiers que vous recrutez aujourd’hui dans ce secteur ?

Les types de profils qu’on voit émerger de façon récurrente, ce sont les fonctions d’achats responsables, de responsables RSE, et tout ce qui tourne autour de l’ESG – environnement social gouvernance – c’est à dire tout ce qui est finance verte et finance responsable. Ensuite, il y a des métiers plus classiques pour intégrer les entreprises à mission. Dans ces entreprises, un directeur financier on ne lui demande pas d’être que directeur financier mais aussi d’avoir une vision systémique et globale du reste. 

Et les métiers de demain, ce sera quoi ?

Le sourcing responsable, la mesure d’impact social et environnemental, le marketing durable et le marketing responsable. Le marketing responsable c’est le fait d’innover et de faire des produits et des services qui consomment peu de ressources, qui sont locales et qui permettent à tout le monde de vivre décemment. La création d’offres et de produits qui sont responsables, ça fait partie des tendances qui seront omniprésentes demain.

des arbres à travers des lunetttes



Les formations pour travailler dans ces métiers

L’ESCP a ouvert récemment une chaire d’enseignement dédiée à l’économie circulaire et aux business modèles durables. Vous voyez émerger de plus en plus de formations spécifiques sur ces sujets ? 

Oui il y en a de plus en plus. Aujourd’hui, pour intégrer ces métiers, l’idéal c’est vraiment d’avoir une formation, par exemple sur les achats, l’ingénierie où le marketing. Et d’avoir en complément une formation spécialisée en RSE ou en économie circulaire. Ça c’est l’idéal. 

Quelles sont les passerelles quand on n’a pas de formation dans ces métiers et qu’on souhaite se reconvertir ? 

Les passerelles, quand on veut se reconvertir, il y en a plusieurs. Il faut commencer par se mettre dans les réseaux en allant dans les conférences ou regarder s’il n’y a pas un club des anciens de son école/université sur la RSE, ce genre de choses. Après il faut essayer de faire des stages ou des missions, voire même de faire de l’associatif. Et quand on le peut, faire une petite formation. Aujourd’hui, il y a plein de formats de formations. On retrouve des Masters spécialisés mais il y a aussi des MOOC. On trouve des formations courtes qui ne durent quelques jours. C’est toujours bien d’avoir ça en complément.

On vous dit souvent non. On vous dit souvent que c’est trop cher. Et on vous dit souvent que ça ne sert à rien.

On voit actuellement un sursaut de la jeunesse sur ces questions, notamment avec le manifeste étudiant pour un réveil écologique. Qu’est ce que vous en pensez ? 

Je trouve ça super, après il faut que les étudiants tiennent sur la durée. On parle beaucoup de la jeune génération qui s’intéresse à ces sujets. Après, je pense en effet qu’il y en a une partie qui s’y intéresse beaucoup, mais aussi tout une partie qui n’y est pas sensible. C’est quelque chose qu’il ne faut pas négliger.

L’autre point c’est qu’il y a beaucoup de gens plus seniors qui ont envie d’aller sur ces thématiques. J’étais à un colloque sur les entreprsies à missions récemment où il était question uniquement d’attirer la jeune génération. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a plein de gens qui ont 40 ans aujourd’hui, qui ont besoin de travailler encore 25 ans, et qu’on met sur la touche. Même quand on est une entreprise à mission. En France on est senior à 42 ans…. C’est dommage car ce sont des forces vives sur lesquelles on peut s’appuyer car cela signifie s’appuyer sur une expérience qui n’est pas négligeable. Et il y a encore beaucoup de choses à faire pour que la jeune génération soit réellement embarquée sur ces sujets.