La Fondation OPEN-C est composée de 10 fondateurs publics et privés (Ifremer, Centrale Nantes, ITE France Énergies Marines, EDF, RTE, TotalEnergies, Technip Energies, Valorem, Valeco, Énergie de la Lune), et regroupe un ensemble de cinq sites d’essais en mer déjà actifs (Paimpol-Bréhat, Sainte Anne du Portzic, SEM-REV, SEENEOH), ou en cours de construction (MISTRAL) et tous dédiés aux tests des prototypes les plus innovants.
Ces cinq sites, présents sur l’ensemble des façades maritimes de l’hexagone, fonctionnaient jusqu’ici de manière indépendante. Ils sont désormais regroupés sous une même entité.
Bertrand Alessandrini, préfigurateur de la Fondation et coordinateur des infrastructures marines de Centrale Nantes en charge du site du SEM-REV, prend la direction générale de la Fondation. Au total, le conseil d’administration est composé de 23 personnes : les dix fondateurs, cinq élus représentant les régions Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur, et des représentants issus du monde de la pêche, des associations de défense de l’environnement, de la recherche et du monde économique.
Concrètement, la Fondation OPEN-C permettra aux industriels et porteurs de projets de poursuivre leur développement et de fiabiliser plusieurs innovations majeures comme des prototypes d’éoliennes flottantes de seconde génération, la production d’hydrogène vert offshore ou encore les tests de systèmes photovoltaïques flottants.
Les Horizons : Tout d’abord, qu’est ce qu’un site d’essai en mer ?
Bertrand Alessandrini : Un site d’essai c’est avant toute chose une concession en mer, une autorisation qui permet de faire des essais très encadrés au sein d’un périmètre défini. Ce “simple bout de papier” peut mettre des années à être obtenu. Une fois que c’est le cas, le site peut alors être mis en place au large, avec le balisage, le branchement au réseau électrique, les instruments de mesure etc.
Une fois opérationnels, les sites d’expérimentation en mer servent dans les domaines de l’éolien et des EMR à tester des prototypes à l’échelle 1 connectés au réseau électrique. Sur un site on peut retrouver entre 2 et 4 prototypes testés. Nous parlons ici d’éoliennes offshore flottantes, d’hydroliennes, de dispositifs pour produire de l’hydrogène etc. Les sites répondent au besoin d’expérimentation en conditions réelles. Et ce sur un temps long, les essais pouvant durer plusieurs années. Le site d’essai sert donc à accompagner et à accueillir les essais des prototypes, en vue d’un déploiement futur. Pour faire un parallèle, c’est un peu l’équivalent des vols d’essai pour l’aviation.
Il y a de nombreuses demandes d’essais en mer ?
Nous assistons aujourd’hui, notamment concernant l’éolien offshore, à la création et à l’émergence de filières mondiales sur un sujet primordial qui est celui de l’énergie. Les investissements explosent en particulier en Europe. Dans le prolongement, les demandes en terme d’essais, de moyens et d’infrastructures sont en train de bondir. Et ces demandes d’essais sont beaucoup plus nombreuses que la capacité disponible. En Europe, les initiatives comme celle que nous portons se comptent sur les doigts des deux mains, et les sites réellement opérationnels sur ceux d’une main. Ce qui est très peu au final.
Comment les sites d’essais ont vu le jour en France ?
En France les premiers investissements sur l’éolien et les EMR au global sont arrivés il y a une douzaine d’années. Nous avons heureusement pu anticiper la croissance que nous constatons actuellement. Plusieurs initiatives au niveau national ont permis de faire émerger des sites d’essais aux caractéristiques différentes, dans le but de pouvoir tester des prototypes en fonction des types de courants, de vents, de vagues, de profondeurs etc.
En France les sites ont vu le jour à peu près au même moment. Dès cette époque, il y avait la volonté qu’une structure unique les opère. Malgré cela, les sites ont grandi indépendamment les uns des autres pour pouvoir tout de même adresser les premières demandes. Ces sites avaient donc vocation à se rassembler dès leur création. C’est ce qu’on fait aujourd’hui avec ce projet de fondation.
Pourquoi réunir les sites d’essais maintenant sous une fondation ?
Nous arrivons à un stade où il y a besoin de rationaliser les actions et de gagner en efficacité. Et donc d’avoir un opérateur national qui centralise. Jusqu’en 2018-2019, les sites se construisaient, nous n’étions pas encore dans la phase concrète des essais. Depuis, la demande explose. Il y a un vrai besoin de passer à cette phase opérationnelle, avec un modèle économique clair, des partenariats industriels, des financements. L’opérateur national va permettre de structurer les stratégies au-delà des essais. En 2020, lorsque le sujet de faire émerger une structure commune est revenu sur la table, nous avons avancé très rapidement avec les autres directeurs de sites. La Fondation va permettre la mise en place d’une feuille de route sur plusieurs années avec des perspectives et une lisibilité pour les industriels et les porteurs de projets.
Pourquoi avez-vous fait le choix de la fondation comme véhicule juridique ?
Pour faire de la recherche issue de fonds à la fois publics et privés, la fondation est le véhicule le plus approprié. Nous sommes sur le sujet de l’énergie, de la transition écologique, des énergies renouvelables. Il faut avoir dans nos ressources la capacité d’accueillir des donateurs privés en l’assumant. Par ailleurs, ce sont des mécanismes très différents par rapport à une société, qui a un but lucratif. Une fondation est un objet privé mais à but non lucratif et donc sans dividendes versés, et qui peut être reconnue comme organisme de recherche et d’intérêt général. Ce véhicule a les caractéristiques idéales pour aller chercher des subventions publiques et européennes, mais également recevoir des dons. La fondation est donc très adaptée dans notre cas.
Quel est le budget de la structure ?
Les projets sont identifiés sur les 10 prochaines années, pour environ 400 millions d’euros en tout. La part opérée par la fondation sur cet ensemble est d’environ 80 à 100 millions d’euros. Le budget annuel de la fondation tournera donc autour de 8 millions d’euros, lorsque nous aurons atteint le rythme de croisière. Les fondateurs apportent en nature les sites d’essais et les structures. Ils apportent en numéraire 9 millions d’euros en tout. C’est un capital qu’on garde en sécurité dans notre modèle économique. Pour le fonctionnement, nous avons par projet des contrats de collaboration avec des consortiums industriels qui apportent une contribution financière sur leur propre projet. Un premier tiers de nos financements vient de ces partenaires industriels pour lesquels on mène les essais, un tiers de subventions nationales et un troisième tiers de subventions européennes ainsi que les ressources liées aux dons.
Comment sera organisée opérationnellement la Fondation ?
Les fondateurs ont une présence en conseil d’administration, avec des élus et d’autres représentants associatifs notamment. Puis, il y a une équipe opérationnelle transverse au sein de la fondation, avec une déclinaison et des experts pour chacun des territoires. 25 personnes travailleront au sein de la structure fin 2023. Selon les projets en cours, ces effectifs seront amenés à varier à la hausse, jusqu’à 50 à 60 personnes. Après nous avons surtout vocation à créer des emplois indirects sur les territoires, plutôt qu’au sein de la structure. Juridiquement, à présent les contrats et les conventions de partenariat passeront par la Fondation et non plus en direct avec chaque site.
Quelles sont les filières cibles pour les essais ?
Le monde des EMR se divise en 2 catégories. D’un côté l’éolien offshore, posé ou flottant, et de l’autre toutes les autres filières. Petite précision concernant l’éolien offshore, dans peu de temps la technologie ne sera plus spécifiée dans les appels d’offres. Le choix sera fait par l’industriel et le porteur de projet répondant C’est pour cela qu’on parle de l’éolien offshore comme d’une seule et même filière. Cette filière est donc en pleine croissance et tire le secteur tout entier.
De l’autre côté nous avons les autres EMR. L’énergie de la houle et des vagues représente 500 projets actifs dans le monde. L’hydrolien, l’énergie du courant, est plus naissante et ne peut exister que sur certains spots bien identifiés. En cela, elle est un peu plus confidentielle. Il y a également le photovoltaïque flottant, grâce notamment aux capacités de refroidissement qu’offre une installation au large. Ce sont des caractéristiques idéales pour produire de l’électricité. Et enfin l’hydrogène vert, pour lequel une installation en pleine mer offre bien entendu des possibilités de production vertueuses, mais également des capacités de stockage très intéressantes.
Qu’en est-il du site du SEM REV sur lequel vous travaillez depuis des années ?
En ce qui concerne le SEM REV, nous allons prochainement brancher les deux futurs projets du site, à savoir la barge Lhyfe de production d’hydrogène vert et l’éolienne flottante Eolink. Le projet Floatgen, qui est déjà en place depuis plusieurs années, vient d’être prolongé grâce à de nouveaux financements. Nos trois prises seront donc toutes occupées sous peu. Le site Mistral en Méditerranée n’est pas encore construit qu’il est déjà complet lui aussi. C’est aussi pour cela qu’il faut créer cette structure commune, pour fédérer les sites d’aujourd’hui et avoir la capacité d’en construire de nouveaux demain.
Les sites d’essais entraîne également une dynamique scientifique ?
Tout d’abord, en tant que fondation, nous avons comme mission la diffusion de la connaissance auprès de la communauté scientifique et du grand public. C’est pour cela qu’une partie des études et mesures menées seront rendues publiques. Par exemple, les impacts environnementaux autour des prototypes et des essais. Ensuite, la recherche scientifique et technologique profite également des essais menés pour ajouter et construire des projets de R&D avec les universitaires ou les communautés de chercheurs de façon à améliorer la connaissance en continue. La communauté des chercheurs et des ingénieurs a toujours des idées et des projets scientifiques à expérimenter et à adosser aux essais de ces prototypes d’exception.