A la recherche d’une alimentation bio, locale et personnalisée, de plus en plus de français délaissent les supermarchés pour des canaux de vente directs. D’autant que la technologie facilite la mise en relation entre producteurs et consommateurs, quitte à bousculer la grande distribution. Effet de mode ou grand changement ? On vous raconte le renouveau du circuit-court dans l’alimentation.
Landerneau, Bretagne. Un jour de décembre 1949, Edouard Leclerc ouvre son premier magasin. Nous sommes aux débuts des 30 glorieuses. Il fait le pari que plus les gens vont s’enrichir, moins ils souhaiteront dépenser en produits de base pour dépenser davantage en loisirs. C’est la naissance de la grande distribution en France. Le début d’une époque où la consommation reposait sur deux piliers : des quantités de produits toujours plus abondantes et des prix toujours plus bas. Le discount fait son entrée dans le vocabulaire français, les enseignes de « grande distri » poussent comme des fleurs, les offres sont pléthoriques, les consommateurs émerveillés par ces épiceries géantes, et comble du bonheur, la part de l’alimentaire dans les dépenses des ménages diminue progressivement. Descendue de presque 50% à 35% en 1960, elle est d’environ 20% aujourd’hui.
Crises sanitaires, mondialisation et madeleine de Proust
Toutefois, à force de tirer sur le « toujours plus de produits toujours moins cher », des points d’alertes finissent par arriver. Et par se reproduire.
Ces alertes sont d’abord sanitaires : De la célèbre vache folle des années 1990 à la ferme des milles vaches des années 2010, en passant la grippe aviaire et encore aujourd’hui, le lait contaminé.
Elles sont aussi environnementales : Pêche irresponsable, déforestation massive, découverte de termes plus ou moins amusants comme « OGM », « Glyphosate » ou encore « Perturbateurs endocriniens ».
Et puis d’autres contextes, la mondialisation notamment, font émerger des questions. L’essor de la mondialisation nous permet aujourd’hui l’indéniable plaisir de manger de mangue et de la tomate toute l’année. Elle pousse aussi à perdre certains repères : Est-ce que c’est vraiment normal de manger de la tomate toute l’année ?
Enfin, il y a chez beaucoup de consommateurs un reste de mémoire qui ne s’accommode pas toujours des produits « made in grande distri » : Pourquoi je n’arrête pas de penser aux tomates de chez ma grand-mère ? Parce qu’ils poussaient dans son potager et qu’ils n’avaient pas le même goût que ceux du supermarché.
De cette conscience environnementale et sanitaire qui naît à partir des années 2000 se développe une volonté de se nourrir de manière différente. Plus responsable, plus saine, plus locale.
Pas à pas, elle participe à la remise en cause de l’hégémonie des grandes surfaces. Et favorise la recherche d’alternatives.
Grande-Distribution : vers la fin d’un modèle ?
A partir des années 2000, on assiste également au développement du numérique – le Web puis les technologies mobiles – qui permet à de nouveaux canaux de vente et de distribution d’émerger. La vente directe est simplifiée par le e-commerce, le paiement en ligne et la géolocalisation. La livraison à domicile où dans les points relais explose. La communication et la mise en réseau de ceux qui veulent éviter les circuits traditionnels est facilitée. Cet engouement qui se produit en ligne possède également son pendant in real life. Des circuits physiques émergent à l’instar des AMAP ou des coopératives bio.
C’est souvent plus cher, mais c’est sain. C’est aussi plus éthique par le fait de soutenir les terroirs et producteurs locaux. Et c’est aussi un acte d’achat plus personnalisé, surtout en cas de livraison à domicile. Le phénomène est en pleine croissance. En 2016, près de 89% des français ont consommé des produits bio, contre 54% en 2003.
D’ailleurs, les nouvelles générations s’ancrent bien dans ce modèle de consommation en rupture avec l’ancien monde de la nourriture industrialisée. A la recherche d’une alimentation plus personnalisée et favorisant la proximité, ils délaissent les supermarchés pour privilégier les circuits-courts.
Les « 20-35 ans » représenteront 50% des consommateurs actifs en 2020 : Alors le futur se fera t’il sans les grandes surfaces ?
Futur de l’Alimentation ou simple effet de mode ?
Le circuit-court n’est cependant pas une invention moderne favorisée par la technologie. Pendant longtemps, c’était la seule manière de consommer. Et même durant l’âge d’or de la grande distribution, à travers les marchés, il a toujours eu une place importante dans notre culture.
Mais de nouveaux circuits se développent aujourd’hui en travaillant sur l’aspect éthique, local et sain : Un des plus connu, c’est la Ruche qui dit Oui !.
Dans leur giron, ce sont aussi les paniers AMAP, la livraison de produits locaux à domicile par les producteurs eux-mêmes, le développement des épiceries et coopératives bio, la création de sites Internet ou d’application mobiles qui mettent en relation acheteur et agriculteur.
En 2010, 30% des français achetaient au moins une fois par mois en circuit-court, ce qui représentait un peu moins de 10% des achats alimentaires en France. Depuis, les pratiques et offres se sont développés et la tendance semble à la hausse. Face à l’enjeu, les grandes surfaces sont forcées de s’y adapter. Certaines proposent dans leurs rayons de plus en plus d’aliments venant de producteurs locaux. Toutes travaillent activement à améliorer leurs services de Drive ou de livraison.
- Alors, le circuit-court est il le futur de la consommation alimentaire ou un simple effet de mode qui restera marginal ?
- Quel est l’impact des technologies Web et mobile dans l’essor de cette distribution ?
- Les modèles économiques de la vente directe sont-ils suffisamment solides pour faire disparaître la grande distribution ?