Le Parlement examinera prochainement le projet de loi « portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets », autrement intitulé Loi Climat et Résilience et qui aurait pu porter le nom de la Convention Citoyenne pour le Climat sur lequel il repose.

Dans son rôle, le HCC (Haut Conseil pour le Climat) a souhaité évaluer ce texte en amont du processus législatif afin « d’étudier la contribution du projet de loi à la stratégie nationale bas carbone (SNBC) » mais aussi « d’analyser le processus d’évaluation du projet de loi au regard du climat ».

Sur l’ambition globale de la loi : Peut mieux faire ?


« L’examen du texte par le Parlement devrait mieux inscrire les mesures retenues dans l’approche plus large de la stratégie de décarbonation, afin de rattraper le retard de la France sur sa trajectoire d’émissions et de respecter les prochains budgets carbone ».

Dans son évaluation, le HCC relève en effet que le premier budget carbone de la France (2015-2018), tel que définit dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) n’a pas été respecté, avec un dépassement cumulé estimé à 61 Mt éqCO2. Il y a pourtant une diminution sur les 5 dernières années, de 1,2% par an en moyenne, mais insuffisante au regard des ambitions nationales. Le second budget carbone de la France (2019-2023) vise une baisse de 1,5% par an ainsi qu’une baisse de 3,2% par an sur la période 2024-2030.

Or, même l’étude d’impact de ce projet de loi affirme qu’il « contribue à sécuriser l’atteinte d’entre la moitié et les deux tiers du chemin à parcourir entre les émissions en 2019 et la cible en 2030, soit une réduction de 112 Mt éqCO2/an ». Cette loi devrait donc permettre une diminution de nos émissions de CO2, mais une diminution insuffisante par rapport aux objectifs français et européens.

La loi Climat et Résilience s’appuie sur les travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) dont les propositions devaient être reprises « sans filtre » par le Gouvernement. Elles ont cependant été, pour la plupart, grandement remaniées et certaines retoquées. Ce qui explique aussi, probablement, que la portée globale de la loi ne soit pas à la hauteur de ce qui était prévu.

Sur la portée des mesures : un retour mitigé


« Le projet de loi n’offre pas suffisamment de vision stratégique de la décarbonation des différents secteurs émetteurs en France. La nature même de l’exercice de la CCC explique le nombre important de mesures, mais pas le manque de consolidation stratégique qu’on pourrait attendre de cette loi« .

La portée des mesures proposées par ce projet de loi n’impressionnent pas les membres du Haut Conseil pour le climat, qui regrettent notamment que « de nombreuses mesures portent sur des périmètres d’application restreints couvrant une part insuffisante des activités émettrices de gaz à effet de serre en France ». Le HCC souligne notamment, dans son rapport d’évaluation, « qu’une proportion élevée de ces mesures voit sa portée réduite par un périmètre d’application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application »

Entre autres, le HCC regrette notamment que de nombreuses mesures du projet de loi « prévoient des délais allongés de mise en œuvre » (échéances à 2024, 2025, 2030…), qu’il juge « incompatibles avec le rythme attendu de l’action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par la France dans l’atteinte de ses budgets carbone ». C’est en particulier le cas de l’article 4 portant interdiction de la publicité pour les énergies fossiles « sans prendre en compte un ensemble de biens et services manifestement incompatibles avec la transition, tels que les véhicules lourds et peu aérodynamiques (SUV) ou certains produits alimentaires ».

Il en va de même pour les les articles 41 et 42 interdisant l’augmentation des loyers pour les passoires thermiques ainsi que la location des passoires thermiques en 2028, « qui ne s’appliquent pas aux propriétaires occupants, qui représentaient pourtant 58 % des occupants de passoires thermiques en 2018 ». Le Haut Conseil pour le Climat cite également les cas du secteur aérien. Par exemple, l’article 36 portant sur la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs là où il existe une alternative bas carbone en moins de 2h30, ne concerne que huit liaisons qui représentaient en 2019 seulement 10% du trafic de passagers.

L’affichage environnemental est également remis en cause, au sujet duquel le HCC précise qu’il n’y a, à date « aucune garantie que l’État s’engage dans l’encadrement de la normalisation technique d’un affichage environnemental ; aucune visibilité sur les biens et services qui à terme pourraient faire l’objet d’un affichage environnemental obligatoire, avec le risque que cette mesure n’ait finalement aucun impact sur la réduction des GES de la France ».

Évidemment, il s’agit des mesures emblématiques de ce projet de loi, mais aussi des mesures qui auraient un véritable impact sur la réduction des GES, ce qui est l’objectif de cette loi. En parallèle, le HCC met en avant que des mesures hautement symboliques, comme l’interdiction des avions publicitaires, ne sont pas suffisantes pour réduire significativement nos émissions de CO2.

Sur l’étude d’impact et le parcours du projet de loi


« L’étude d’impact ne discute ni de la plus-value stratégique des réformes proposées, ni de leur capacité à atteindre les objectifs du secteur, ni des dispositions complémentaires à mettre en œuvre en cas d’insuffisance des mesures. Si des analyses quantitatives et qualitatives sont produites article par article, aucun bilan n’est dressé quant à l’effet global du projet de loi sur la trajectoire des émissions de GES de la France ».

Ici aussi, le HCC se montre mesuré vis à vis de la méthodologie proposée par le Gouvernement au sujet de l’évaluation de l’impact des mesures proposées. Il recommande notamment d’harmoniser le format de rendu des résultats quantifiés, « d’expliciter systématiquement les hypothèses et méthodes retenues ainsi que les sources des données utilisées, de préciser l’effet attendu sur les budgets carbone ».

Ce projet de loi sera débattu au parlement à partir du mois de Mars 2021 et devrait être définitivement voté en Septembre 2021.

Le rapport d’évaluation du Haut Conseil pour le Climat est accessible ici