En 2015, alors que le 6ème objectif de développement durable (ODD) de l’ONU posait le principe de « l’accès à tous à l’eau et à l’assainissement« , 40 % de la population mondiale n’avait pas suffisamment accès à une eau saine. On estimait que mille enfants mouraient chaque jour des conséquences d’une mauvaise qualité de l’eau.
Or, l’intensification de l’urbanisation et le réchauffement climatique augmentent les risques de pénurie d’eau et de multiplication d’inondations dévastatrices, à l’image des dégâts provoqués dans le sillage de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes début octobre.
L’ONU estime à 50 % l’augmentation des besoins en eau d’ici 2030 dans le monde
Plus généralement, les phénomènes liés au dérèglement climatique rendent l’accès à l’eau, et notamment à une eau de qualité, plus difficile. La question se pose spécifiquement dans la répartition de la ressource en eau entre pays riches et pays pauvres. Mais les pénuries et le manque d’eau se font ressentir aussi dans les pays industrialisés, notamment aux Etats-Unis ou encore en Chine. Signe des temps qui changent, l’eau de Californie est désormais sujette à des contrats à terme sur les bourses américaines.
L’or bleu du 21ème siècle
Ainsi, l’eau potable est désormais considérée comme une ressource rare, un « or bleu » qui représente un réel enjeu géopolitique mondial. Notamment pour les pays fragilisés par la raréfaction de leurs ressources et l’augmentation de leur population et de leurs besoins en termes d’alimentation, de produits de consommation, d’énergie.
Au niveau mondial, l’ONU estime à 50 % l’augmentation des besoins en eau d’ici 2030 (chiffres 2017). Un bond que l’organisation internationale explique par la croissance démographique (+ 80 millions d’habitants par an dans le monde), l’explosion des besoins agricoles pour nourrir cette population, et aussi par le développement de bio-carburants (1 litre de bio-carburant peut nécessiter jusqu’à 4 000 litres d’eau).
Car, en effet, dans la répartition de la consommation mondiale de l’eau, les besoins domestiques comptent pour seulement 8% du total quand l’agriculture en absorbe 70 % et l’industrie les 22 % restants. Cette répartition pourrait bondir à 90 % pour l’usage agricole à l’horizon 2050 si le secteur ne réinvente pas son modèle de fonctionnement. Des alternatives existent cependant pour une meilleure gestion de la ressource. Certains pays comme Israël (à près de 80 %) ou Singapour (à 30 %) réutilisent par exemple leurs eaux usées pour irriguer les cultures. En France, seulement 0,6% de nos eaux usées traitées sont récupérées pour cet usage.
Des conflits d’usage se dessinent alors entre la production et la distribution d’eau potable en ville, la fourniture d’eau pour les industries, l’irrigation, la production d’électricité, les loisirs aquatiques individuels et collectifs. Ils peuvent conduire à devoir faire des arbitrages, ce qui peut favoriser le développement de systèmes d’assainissement et de distribution plus locaux, le soutien à une agriculture périurbaine et urbaine, et tendre vers un meilleur recyclage des eaux usées, complétés par la récupération systématique des eaux de pluie.
La tension hydraulique sera encore plus perceptible dans les grandes villes
L’étalement urbain et la densification des villes, dont la croissance s’est accélérée dans le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et l’imperméabilisation des sols qui en a résulté, augmentent la difficulté des villes à anticiper les pénuries d’eau et les risques d’inondations.
Elles sont responsables du bon fonctionnement du circuit de l’eau potable (collecte, traitement, surveillance, distribution, financement), mais également de la gestion de l’eau de pluie, qu’elle vienne à manquer ou à s’abattre sur la ville en violents orages. On attend ainsi des agglomérations et des acteurs de la gestion de l’eau, qu’ils s’adaptent et luttent contre les conséquences du réchauffement climatique, telles les inondations, sécheresses et chaleurs extrêmes, tout en continuant à distribuer une eau potable en quantité suffisante sur tout le territoire.
En parallèle, l’eau pluviale, en tombant sur les toits, entraîne toute la pollution de surface jusqu’aux canalisations, puis dans les réseaux d’assainissement jusqu’à la station d’épuration. La qualité de l’eau en est dégradée car, n’étant plus drainée en quantité suffisante dans les sous-sols, elle n’est plus naturellement filtrée avant de remplir les nappes phréatiques et d’y être prélevée pour alimenter les réseaux urbains en eau potable, ou d’être rejetée dans les rivières.
L’urbanisation et les dérèglements climatiques contribuent donc à raréfier la ressource en eau de qualité, et à accroître les risques d’événements climatiques extrêmes lors d’orages à la pluviométrie exceptionnelle.
La dimension géopolitique de la gestion de l’eau en ville
La question de la ressource en eau dans les agglomérations se pose désormais de manière impérieuse, si les villes ne veulent pas devenir, dans les prochaines décennies, le territoire de guérillas urbaines pour la conquête de cet « or bleu ». Les prévisions d’explosion de la croissance démographique portent surtout sur les grandes villes situées en Inde ou en Chine, des zones géographiques qui subissent pourtant déjà un déficit hydrique.
Dans ce contexte, les villes s’organisent et développent des opérations novatrices
d’aménagement dans le cadre de leur renouvellement urbain, avec des stratégies à l’échelle des agglomérations, en incluant la concertation citoyenne autour de projets innovants et fédérateurs. Ce peut être en réalisant leur extension urbaine par la création d’écoquartiers. Ces nouveaux lieux d’habitat intègrent, dès leur conception, une dimension de gestion durable de l’eau : récupération des eaux pluviales, optimisation de la consommation de l’eau potable, protection de la biodiversité, réduction des risques d’assèchement, d’inondation et de pollution.
D’autres solutions sont aussi mises sur la table : plus de nature en ville, lutte contre les fuites dans les réseaux d’eau, réutilisation des eaux usées traitées, récupération des eaux de pluie, gestion automatisée et optimisée de l’irrigation et de l’arrosage.