Rencontre avec Adèle, Audrey et Mathilde, trois élèves ingénieures-agronomes à AgroParisTech et membre de l’association AgroVeloCity.
Parties rencontrer les porteurs de projet d’agriculture urbaine sur la côte Ouest des Etats-unis, elles vous racontent aujourd’hui ce qu’elles ont retenu de cette extraordinaire expérience.
AgroVeloCity qu’est ce que c’est ?
AgroVeloCity est une association crée il y a 5 ans par 3 élèves de l’école d’agronomie de Montpellier dans l’optique d’étudier les formes et les enjeux de l’agriculture urbaine en Europe afin de les faire connaitre au plus grand nombre à leur retour.
Ils se lancent alors en 2014 pour 8 mois d’étude avec le pari fou de relier l’ensemble des villes étudiées par le moyen d’un transport alternatif, doux, et sportif … le vélo ! L’année suivante, le projet inspire. Et une seconde équipe de 2 personnes reprend l’étude sur la côte Est de l’Amérique du nord.
Enfin en 2018 un troisième projet est lancé – le nôtre : sur la côte ouest de l’Amérique du nord ! Nous avons pédalé 4600km pour étudier l’agriculture urbaine de San Diego à Vancouver ! Quatre mois et demi de voyage pour 74 fermes et acteurs rencontrés. Et c’est une affaire qui roule … puisqu’un projet sera porté en 2019 ! En Asie de l’Est.
Quel est le but de l’association ?
L’objectif d’AgroVeloCity est d’apporter des réponses à des questions d’avenir sur l’approvisionnement alimentaire durable des villes et les enjeux de l’agriculture urbaine. Comment ? Par le biais de vidéos, articles, photos et conférences, de formats les plus ludiques, chouettes, et informatifs possible pour toucher le plus grand nombre !
Afin de définir des axes d’étude pertinents, les projets se font en partenariat avec l’équipe Agricultures urbaines de l’unité SADAPT de l’INRA (Sciences pour l’action et le développement – Activités, produits, territoires de l’Institut National de Recherche en Agronomie) s’occupant notamment du développement de l’agriculture urbaine.
Le projet 2018 a donc cherché à apporter des réponses à de nombreuses problématiques dont :
• Les enjeux sociaux et économiques liés aux fermes urbaines,
• Leur modèle économique,
• Le rôle des villes et politiques publiques dans leur développement,
Dans les 7 villes d’études : San-Diego, Los Angeles, Sacramento, San Francisco, Portland, Seattle et Vancouver, des formes très variées d’agriculture urbaine ont été étudiées.Si nous devions classer les initiatives rencontrées, nous les classerions en 3 grandes catégories :
• Les fermes productives – soit celles basant leur rentabilité économique
principalement sur la vente de leur production ;
• Les fermes éducatives – dont l’activité principale est l’éducation à
l’environnement, la production, la nutrition, la cuisine ou la nature. Il
peut y avoir de la vente en parallèle ;
• Les initiatives tournées vers l’autoconsommation et les donations – qui regroupent à la fois les jardins communautaires (où des familles cultivent des parcelles séparées ou communes), les jardins privés, ou alors les producteurs cultivant dans l’optique de donner gratuitement leur production à des familles.
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D’un point de vue économique, qu’avez-vous retenu ?
Avant toute réponse, nous aimerions justement insister sur le fait que l’agriculture urbaine, selon notre avis, va bien au delà de la question de rentabilité économique. Elle porte des enjeux sociaux et éducatifs incroyables et la limiter à cette question de viabilité économique ne permet pas d’en saisir les véritables bénéfices.
Cependant, nous avons vu des modèles très variés. Et parmi les initiatives rencontrées, beaucoup d’exploitations font appel à des levées de fonds ou à du crowdfunding pour se développer. Celles qui s’en sortent le mieux sur le plan économique sont celles qui se sont diversifiées. En plus des ventes de leur production, elles proposent des cours, ateliers, dîners…
Concernant la vente, les fermes ont de nombreuses options, mais il s’agit toujours de vente directe :
• En stand sur la ferme – ce qui incite les consommateurs à venir découvrir l’exploitation et les producteurs.
• Par le biais de paniers – qui permet une excellente valorisation de la production et leur offre une sécurité financière car les consommateurs paient et s’engagent à l’avance sur une durée déterminée.
• En marché fermier – une option offrant une grande visibilité mais qui reste très astreignante (pas de certitude de vente, transport des marchandises , attente glaciale en hiver et installation du stand, etc.). Elle reste donc peu utilisée par les fermes
• A des Restaurants – là encore une option intéressante en terme de sécurité financière avec des débouchés garantis pour les productions mais la constance des rendements est alors essentielle.
Quels sont les autres enjeux de l’agriculture urbaine ?
L’agriculture urbaine sert tellement d’enjeux ! Mais celui qui nous a semblé le plus fort et le plus essentiel aux Etats-Unis, est la création de lien social. L’agriculture autrefois était en effet bien plus qu’un métier pour le producteur : c’était sa vie ! Elle rythmait les journées et autour d’elle étaient organisées les sociétés et traditions.
L’agriculture urbaine possède un pouvoir fédérateur immense lorsqu’elle est bien pensée. Elle amène les gens à réfléchir et à s’impliquer autour de projets communs, aux enjeux forts. Elle peut par ailleurs permettre une intégration en douceur de la diversité culturelle au sein des quartiers.
Dans les jardins communautaires on retrouve jusqu’à 18 nationalités qui cultivent, récoltent et valorisent différemment leur production. Et lorsque les habitants possèdent leurs parcelles côte à côte, le dialogue s’initie facilement : chacun est amené à échanger sur ses pratiques « jardinières » et donc souvent « cuisinières »! Et par cette compréhension des pratiques et traditions des autres, bien des tensions sont apaisées : l’atmosphère des quartiers s’en trouve souvent allégée.
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Un rôle social donc mais également éducatif puisqu’il existe aux Etats unis une mésinformation gigantesque autours des problématiques de nutrition.
Faire pousser des légumes en ville, c’est une initiative qui s’accompagne. Avoir accès à des produits frais est inutile si l’on ne sait ni les valoriser ni les apprécier ! Des ateliers de cuisine, des cours autour de l’alimentation et de leurs valeurs sont donc essentiels et proposés par l’immense majorité des fermes urbaines.
Elle a aussi un rôle dans l’accès à une alimentation saine car on retrouve aux Etats- Unis un problème de déserts alimentaires. Ce sont des zones où il n’y a aucun accès à des produits frais sur une grande distance. Le seul accès à de la nourriture est la présence de fast food. Les fermes urbaines offrent donc cette possibilité de diversifier son alimentation en y apportant quelques touches de verdure, de bons nutriments et de soleil.
Quel soutien des villes pour une bonne agriculture urbaine ?
Il se fait à différents niveaux.
Au niveau fédéral : Par un encouragement des consommateurs à l’approvisionnement en produits frais sur les marchés ou fermes au travers
du programme EBT.
Il s’agit d’un programme fédéral mis en place en juin 2004 destiné aux personnes disposant de bas revenus. Celles-ci reçoivent une carte sur laquelle est déposée chaque mois une certaine somme (en moyenne 125 $ par mois) qu’ils peuvent utiliser dans les supermarchés, petites épiceries et donc dans certains marchés de producteurs. Certaines fermes font aussi des réductions sur leurs paniers pour les porteurs de ces cartes EBT.
Au niveau des villes : qui jouent un rôle primordial dans le développement
de l’agriculture urbaine par le biais de leur food policy council réunissant
l’ensemble des acteurs de l’alimentation dont les producteurs urbains afin
de mettre en place des mesures politiques pertinentes.
On retrouve donc des mesures différentes et plus ou moins poussées selon
les villes : Certaines mettent à disposition eau et terrain, d’autres autorisent la vente des productions sur le trottoir devant la ferme, ou proposent un allègement de taxe foncière à tout propriétaire qui louerait/ prêterait son terrain à un producteur.
Enfin certaines accompagnent économiquement le développement et l’installation de ces fermes par le biais de subventions.
Quel est le futur pour vous désormais ?
Après le voyage la transmission !
L’agriculture urbaine n’est pas “qu’un truc de bobo”: L’alimentation et l’éducation à l’alimentation, à la production, à la nature avec ses cycles et son fonctionnement concerne tout le monde ! Et Il faut le montrer, le transmettre le partager !
Nous avons déjà publié une série d’articles, de photos et de vidéos disponible sur youtube, notre site et Instagram. Et d’autres sont à venir !
Nous avons également commencé le travail de conférence ! 3 déjà données et ce n’est que le début, nous espérons en faire bien davantage pour restituer toutes les connaissances que nous avons ramené de ces merveilleuses rencontres. Et puis Agrovélocity continue ! Une équipe 2019 reprend la route direction l’Asie de l’est.
A terme nous rêvons de combiner le savoir de l’ensemble des projets afin de réaliser des conférences sur l’agriculture mondiale…. affaire à suivre !
AGROVELOCITY
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