En raison du contexte en Ukraine, l’évènement n’a pu réunir tous les participants attendus – notamment internationaux. Malgré cela, les équipes de l’organisation ont effectué un travail colossal pour maintenir l’événement, premier grand rendez-vous européen pour faire suite à la COP26 de Glasgow.
Durant deux jours, à Nantes, ce sont ainsi 18 ateliers de haut vol qui ont eu lieu, animés par 200 intervenants. Une opportunité de faire émerger et de rendre publiques les propositions des acteurs – collectivités, entreprises, associations – sur la déclinaison de l’action climat dans les territoires. Et ce, sur des sujets aussi variés que l’urbanisme, la mobilité, la gestion de l’eau, les systèmes alimentaires ou les énergies. L’Association Climate Chance produira d’ailleurs une restitution de ces ateliers dans les prochaines semaines.
Ce Sommet, qualifié de « Pari intellectuel » par Ronan Dantec, Sénateur de Loire Atlantique, Porte-Parole Climat du CCRE, mais surtout Président de l’Association Climate Chance, débouchera donc sur une série de propositions adressées directement à l’Union Européenne. Avec un agenda serré à tenir puisque l’objectif est que ces propositions coïncident avec la clôture de la Présidence française de l’UE, fin juin.
Des plénières centrées sur plus d’adaptation et de justice
En marge des ateliers constituant le cœur de l’évènement, le Sommet aura également été marqué par plusieurs conférences durant lesquelles se sont succédées des personnalités attendues sur les questions d’atténuation et d’adaptation face au changement climatique, les deux fils conducteurs du Sommet.
Parmi ces intervenants, Jean Jouzel, Président d’honneur de l’Association, a pris l’initiative, lors de la plénière de clôture de ce Sommet, de compléter la programmation d’un 3ème pilier : celui de « ne pas oublier de se faire de la Nature une alliée » afin de parvenir à réaliser les objectifs d’adaptation. « Beaucoup est fait pour l’atténuation, mais encore trop peu pour l’adaptation » a d’ailleurs précisé le paléoclimatologue français, qui souligne bien l’importance de nous préparer collectivement à vivre sous la contrainte climatique. Et qui rappelle donc que, pour être réussie, l’adaptation doit être pensée en amont avec une prise en compte de la nature, de la biodiversité et des écosystèmes du vivant dans leur ensemble. Et Ronan Dantec d’enchérir sur le fait que la « communauté adaptation » bien que naissante et en phase de construction, n’est pas encore aussi richement constituée en expertises que l’est la « communauté atténuation ».
Johanna Rolland, maire de la ville hôte de l’évènement a pour sa part insisté sur le fait que l’enjeu climatique était, certes, central, mais pas isolé au regard des autres problématiques, et que “justice sociale et justice écologique sont tout à fait complémentaires”. Le lien est d’ailleurs de plus en plus direct et intense entre changement climatique et justice sociale, toujours dans cette logique de deux fronts d’une même bataille. Cela a été justement repris par Dan Lert, adjoint à la Mairie de Paris en charge de la transition écologique, pour qui “davantage de cohésion, et la réduction de la pauvreté, sont des facteurs de résilience face au changement climatique”.
Il faut bien avouer que les limites de l’adaptation sont déjà atteintes à certains endroits du globe, ce qui entraine depuis plusieurs années déjà une migration des populations. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la deuxième partie du 6ème rapport du GIEC sorti récemment. La moitié de la population mondiale souffre déjà du changement climatique, et nos modes de vie vont évoluer sous la contrainte des événements climatiques, avec une accélération dans les années à venir.
Les mots urgence, adaptation et justice résonnent donc dans l’actualité, soulignés par un puissant “we are at the breaking point” formulé par Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, venant l’illustrer lors de la Plénière d’ouverture.
Les collectivités locales rappellent leur rôle
Malgré la COP de Glasgow et son bilan plus que mitigé, il est important que les discussions et négociations continuent d’avancer à un niveau national, européen et mondial. Mais ce serait vain si ces paroles n’étaient pas suivies d’effet à un niveau beaucoup plus local, celui des territoires. “La ville est en première ligne pour réussir ces enjeux” a tenu à rappeler Johanna Rolland, prenant pour l’occasion sa casquette de Présidente de l’association France Urbaine.
Une vision que porte également Julie Laernoes, élue EELV, vice-présidente de Nantes Métropole en charge des questions sur l’énergie et le climat, qui ajoutait également le fait que l’Union Européenne doit « regagner en popularité dans les territoires pour réussir ses objectifs ». Et qu’il est important pour cela que ses politiques et décisions se traduisent par plus de cohésion et de justice sociale. Pas uniquement par des réglementations parfois perçues comme injustes ou incompréhensibles : “La justice ne doit pas être un angle mort concernant le climat”.
Mêmes sons de cloche du côté de Grenoble et de son maire, Eric Piolle, qui précise que “la libre concurrence ne peut pas faire fi des territoires [et que] les règles des marchés publics sont à adapter pour prendre en compte le local” ; mais aussi du coté de Paris au travers de la voix de Dan Lert qui regrette lui “l’asymétrie entre les efforts déployés et le peu de place laissé aux villes et gouvernements locaux dans les discussions”. Un sentiment partagé par Rafał Trzaskowski, maire de Varsovie, qui a également pris quelques minutes pour intervenir. Pour lui, les maires progressistes des grandes villes européennes “ne doivent plus simplement être écoutés, mais être intégrés aux discussions. Car il y aura besoin des villes pour réussir face à ces enjeux”.
Barbara Pompili, Ministre de la Transition écologique, et donc représentante de l’échelon national lors de cette conférence, est allée dans le même sens que ses homologues locaux, en insistant sur le fait que “les collectivités locales ont des rôles de premier plan à jouer”, étant favorable à une intégration renforcée des métropoles aux discussions sur le climat.
L’accès aux financements, la clé du succès ?
Ainsi, le sommet Climate Chance aura été l’occasion de (re)placer les villes et territoires au coeur des discussions concernant la mise en oeuvre des plans d’adaptation et d’atténuation liés à la question climatique. Toutes et tous ont insisté sur un élément essentiel attestant de la bonne (ou de la mauvaise) traduction de ces discussions européennes au niveau local : celui de l’accès aux financements. Comme rappelé par Patricia Espinosa, “la mise en œuvre doit être la première des priorités”.
Mais là encore, nos représentants au niveau local ont souhaité interpeller. En premier lieu Eric Piolle qui, tout en rappelant le besoin pour les métropoles “d’être accompagnées dans l’optique d’être à la hauteur des enjeux, sans que ce soit encore vraiment le cas”, a questionné l’UE sur son apport et sa gouvernance, égratignant au passage les annonces et plans ambitieux sur le papier, qui ne se traduisent pas au niveau local. La question de comment faire redescendre les financements décidés en haut lieu, jusqu’à une métropole ou une communauté de commune, semble ainsi un point majeur d’amélioration pour aller plus vite.
“Il faut une coopération accrue entre ceux qui ont les financements et ceux qui font sur le terrain » en atteste Julie Laernoes. Propos corroborés par Dan Lert, qui en appelle d’ailleurs au gouvernement afin qu’il joue son rôle de porte-parole des collectivités locales au niveau de l’UE en affichant, par exemple, un soutien plus marqué aux villes sur ces sujets.