En complément des innovations technologiques, les villes font maintenant appel à des Solutions fondées sur la Nature pour améliorer leur gestion de la ressource en eau. Ce sont des actions qui s’appuient sur les écosystèmes afin de relever les défis globaux comme la lutte contre les changements climatiques, la gestion des risques naturels, l’accès à l’eau.

Le concept a émergé en 2009 à Copenhague lors de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Il a été repris depuis, à la COP21 notamment, et est désormais inscrit au niveau international comme un outil d’atteinte des objectifs de développement durable de l’ONU.

Les Solutions fondées sur la Nature peuvent combiner des actions dans les territoires avec des solutions d’ingénierie civile. Elles représentent une alternative économiquement viable et durable à des investissements technologiques ou à la construction et à l’entretien d’infrastructures, qui sont souvent plus coûteux sur le long terme.

Ainsi, en amont des villes, la restauration ou la création de zones humides et la restauration de la morphologie des cours d’eau font partie de ces systèmes. Elles permettent de réduire les risques d’inondation et de protéger les ressources en eau pendant les épisodes de sécheresse. En complément, la végétalisation autour du bassin versant, en plantant des arbres et des haies par exemple, contribue à stabiliser les sols, à ralentir les ruissellements et à minimiser les risques de glissement de terrain et de coulées de boue.

Dans les agglomérations, la végétalisation des berges des fleuves et rivières et la désimperméabilisation des surfaces peuvent limiter les risques d’inondation en favorisant l’infiltration des eaux pluviales et en réduisant leur ruissellement.

eau riviere


Des aménagements pour réduire les risques d’inondations

Entre 2004 et 2009, l’agglomération perpignanaise s’est engagée dans un programme de création d’un écosystème, en l’occurrence une zone humide, pour se protéger des crues qui mettent la ville en danger récurrent d’inondations. Le parc urbain Saint Vicens est la solution qui a été mise en œuvre pour répondre à ce défi. L’espace a été conçu avec une approche hydraulique et paysagère, dans une démarche participative qui a intégré la population locale.

Des solutions techniques retenues se sont inscrites dans une approche de développement durable : création de sols fertiles avec du compost et du paillage végétal issus des déchets verts, refus des intrants chimiques, recueil des eaux pluviales et d’irrigation pour arroser la végétation. Le parc a été labellisé Eco-jardin en 2013. Les habitants ont pu planter des arbres de variétés locales, et des bassins en cascades ont été aménagés, comme autant de zones inondables qui permettent de retenir jusqu’à 60 m3 d’eau.

La ville néerlandaise de Nimègue a pour sa part résolu son risque de risque d’inondations en creusant un canal secondaire derrière la digue qui la protège des débordements de la rivière à laquelle elle est accolée. Une autre manière de faire, mais avec le même objectif : canaliser l’eau.

L’objectif est qu’en fin de programme, 80% des zones urbaines chinoises recyclent a minima 70% de leurs eaux pluviales.


Le modèle de la « sponge city » chinoise

Du côté de la gestion des eaux de pluie, l’exemple de la Chine, qui connaît une multiplication d’événements climatiques extrêmes ces dernières décennies, est particulièrement instructif. Entre mai et juillet 2020, 27 provinces chinoises (qui correspondent à des régions ou des agglomérations autonomes) ont vu 447 de leurs rivières quitter leur lit. Pour 33 d’entre elles, les niveaux atteints ont dépassé les précédents records historiques. Près de 55 millions d’habitants ont été touchés par ces désastres climatiques.

Des catastrophes qui ne sont pas nouvelles pour le pays, mais qui se multiplient, avec des conséquences économiques importantes. On en estime le coût à 36 milliards de dollars entre 2007 et 2016. Le pays s’est donc lancé, en 2015, dans un vaste programme qui concerne 30 mégapoles, appelé la « Sponge city initiative« .

Par exemple, dans le district de Pudong à Shangaï, la ville nouvelle de Lingang consacre 119 millions de dollars à végétaliser les toits, planter des arbres, créer des zones humides et des parcs inondables pour retenir l’eau de pluie. La ville construit également des routes perméables capables de stocker ses eaux de ruissellement. L’objectif chiffré est qu’en fin de programme, 80% des zones urbaines chinoises recyclent a minima 70% de leurs eaux pluviales.


Rendre la ville plus perméable à la nature

Dans le concept de la ville éponge, l’agglomération met donc en œuvre de nombreuses techniques, innovantes ou ancestrales. Son objectif est de favoriser des interactions positives entre des systèmes socio-économiques urbains et le cycle de l’eau en ville pour augmenter sa résilience localement.

Les techniques déployées dans les villes éponges permettent d’absorber et stocker l’eau de pluie (toitures végétalisées, potagers sur les toits, réservoirs), de réduire les risques d’inondations (plantation d’arbres et de haies, interconnexion de zones humides). Elles contribuent à préserver la végétation de la ville et à lutter contre les îlots de chaleur pendant les longues périodes de sécheresse, qui se répètent été après été désormais dans de nombreux points du globe.

Les stratégies adoptées par la Chine pour lutter contre les inondations dévastatrices, à l’échelle d’un pays de la taille d’un continent, sont étudiées et reprises en Europe, notamment dans des grandes villes très urbanisées comme Paris, Lyon, Berlin ou Stockholm. Ou comme la petite ville basque espagnole de Vitoria-Gasteiz, élue Capitale Verte de l’Europe 2012.

Pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, et devenir résilientes et durables, ces agglomérations déploient des approches convergentes : maintenir un sol vivant, accroître le couvert végétal et rétablir une circulation naturelle de l’eau. C’est ce que les chercheurs et urbanistes appellent des infrastructures vertes et bleues (IVB).

parc ville arbres


Des trames vertes et bleues pour interconnecter l’urbain et la nature

Naît alors, dans les grandes agglomérations, le concept de « trames vertes et bleues« , que les urbanistes appellent désormais les TVB tant l’interconnexion des réseaux végétaux et aquatiques est un enjeu central de développement durable de la ville de demain. La ville doit devenir plus perméable à la nature en connectant les zones urbaines à leur environnement végétal immédiat.

Ainsi, des parcs naturels pénètrent dans le cœur de la ville. Avec l’enjeu que la ville puisse les hydrater suffisamment pour qu’ils maintiennent leurs capacités d’évapotranspiration et tiennent leur rôle de poumon urbain. Dans ce but, des solutions existent, à l’instar de celle déployée par Urbasense qui propose de rationaliser l’arrosage des parcs à l’aide de capteurs plantés dans les sols.

À Belo Horizonte, au Brésil, l’urbanisation n’avait pas pris en compte le cycle de l’eau et la couverture végétale naturelle des sites. La ville s’est trouvée confrontée à l’apparition d’îlots de chaleur et le cycle de l’eau a été perturbé, ce qui a eu un impact sur la préservation de sa qualité. Des infrastructures vertes et bleues (IVB) ont été développées pour réduire les impacts de l’urbanisation sur l’environnement. Des expérimentations ont notamment été menées sur un bassin versant de Belo Horizonte en associant la population à la réflexion sur les techniques et les choix de lieux pour mettre en place les IVB.

Une étude particulière a aussi été menée pour atténuer les effets de la fragmentation des zones vertes avec l’urbanisation. Des couloirs verts ont alors été récupérés sur des zones riveraines, permettant de recréer cette interconnectivité entre les différentes zones végétalisées.


Pouvoir à nouveau absorber les eaux de pluie

Sur un modèle apparenté, la région Île-de-France a élaboré en 2013 son premier Schéma régional de cohérence écologique avec des objectifs de préservation ou de restauration des continuités écologiques. Ce sont des réservoirs de biodiversité reliés entre eux par des corridors naturels. Avec un bénéfice pour la préservation de la biodiversité, mais également sur le rafraîchissement des villes pendant les périodes de fortes chaleurs et l’absorption des eaux pluviales.

Pour faire face à de fortes pluies et réduire les risques d’inondations, les villes donnent naissance à des « jardins de pluie » dans les quartiers. Ils présentent la spécificité d’absorber les excès d’eau lors d’épisodes de pluies diluviennes, et leur principe de bio-rétention permet de traiter qualitativement cette eau de ruissellement par l’infiltration. L’eau est ensuite stockée en prévision des périodes de pénurie. L’évapotranspiration, qui participe au rafraîchissement de la zone urbaine, et éventuellement l’évacuation à débit régulé font partie de ses autres propriétés attendues.

La société parisienne Source urbaine a aussi développé deux technologies pour optimiser l’arrosage des espaces verts et stocker l’eau de pluie. En équipant la toiture d’un bâtiment, reliée au jardin de pluie, le système hydrate la végétation du jardin tout en collectant l’excédent d’eau pour un usage ultérieur. Source urbaine a conçu un autre système pour recueillir les eaux pluviales des voiries. Il permet d’éviter de déverser les eaux de ruissellement dans le réseau des eaux usées tout en utilisant l’eau collectée, et traitée à la source, pour arroser des espaces verts municipaux par exemple.