La France s’est fixé des objectifs ambitieux concernant la part des EnR dans la production et la consommation d’énergie et d’électricité. Et en particulier concernant les bioénergies, pourtant souvent sous estimées mais au fort potentiel de développement, avec la Stratégie Nationale de Mobilisation de la Biomasse annoncée le 26 février 2018.
Le terme bioénergie ou biomasse énergie désigne l’énergie produite à partir de matière organique (ou biomasse) et transformée en chaleur, en électricité, en gaz ou en carburant. Sont ainsi utilisés le bois, les résidus organiques agricoles et forestiers (le fumier ou la paille par exemple), certains sous-produits issus de l’industrie, et certaines espèces végétales cultivées exclusivement pour produire de la biomasse à visée énergétique. L’énergie est extraite le plus souvent par combustion comme pour le bois énergie, ou par méthanisation avec le biogaz.
Avec plus de 50% de la production d’énergies renouvelables en France, la biomasse énergie est la première source d’énergie renouvelable. A ne pas confondre avec la part bien plus modeste des bioénergies dans la production d’électricité : 1,7%. En effet les bioénergies et notamment le bois énergie, sont principalement utilisées en France à des fins de production de chaleur.
Une bonne alternative aux énergies fossiles
La France ne dispose pas de ressources ni de réserves en énergies fossiles. C’est pourquoi nous importons la quasi intégralité de notre pétrole et de notre gaz naturel – ces ressources étant par ailleurs limitées sur Terre. De ce point de vue, les bioénergies revêtent un grand intérêt. Particulièrement pour un pays comme la France, première puissance agricole d’Europe et bénéficiant de la troisième forêt européenne. La biomasse est disponible partout sur le territoire français et contribue donc significativement à réduire notre consommation d’énergies fossiles.
Cette énergie est considérée comme renouvelable dans des conditions d’exploitations durables. C’est à dire à condition que les quantités de matières utilisées n’excèdent pas les quantités produites. C’est pourquoi les filières des bioénergies jouent un rôle important dans la gestion durable des forêts et des ressources naturelles, participant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces filières jouent également leur rôle dans la gestion des déchets. La bioénergie contribue à valoriser de nombreux types de déchets, améliorant et optimisant les rendements des productions agricoles.
Enfin, la biomasse énergie est créatrice d’emplois locaux et non délocalisables : 85 000 emplois potentiels créés en 2015 d’après L’ADEME, dont des producteurs, distributeurs, bureaux d’études, industriels et exploitants. Et tout cela en impulsant une vraie dynamique territoriale.
Attention tout de même, car renouvelable ne signifie pas propre. La biomasse énergie est une source importante de pollution de l’air par les particules fines. La combustion du bois s’avère neutre sur le plan du CO2 si l’on regarde l’entièreté du cycle de vie d’un arbre. Car les émissions de CO2 émises lors de la combustion sont égales à la captation du CO2 durant la vie de l’arbre. Elle émet en revanche des particules fines lors de la combustion incomplète.
Par ailleurs peuvent naître de potentiels conflits d’usages des sols dans le cadre de productions de cultures énergétiques. Notamment le risque de créer une concurrence avec la production alimentaire dans le cas des bio carburants, puisqu’une partie des terres agricoles ne seraient plus destinées à l’alimentation humaine ou animale mais à la production de ces cultures spécifiques. Dernier point, la photosynthèse, qui est au cœur du processus de la biomasse énergie, a une efficacité énergétique faible (6%) par rapport à d’autres énergies renouvelables comme les cellules photovoltaïque (15%).
Le développement des bioénergies peut potentiellement avoir des conséquences néfastes si leur exploitation n’est pas opérée de manière durable. Le risque de déforestation existe même s’il est minime en France, la surface forestière ayant doublé depuis 1850. Il est donc primordial que la filière se développe sur la base de conditions de durabilité strictes.
La filière bois énergie comme locomotive des énergies renouvelables
La biomasse est la principale ressource énergétique utilisée par l’Homme, en particulier sous forme de bois pour se chauffer. Et ce depuis toujours. Comme on l’a vu plus haut, la biomasse a un faible rendement énergétique. On comprend alors pourquoi la très grande majorité du bois énergie ou biomasse solide est destinée à produire de la chaleur pour laquelle son rendement est supérieur (91% de la consommation primaire en 2016 contre 9% destinés à la production d’électricité).
C’est tout simplement l’énergie renouvelable la plus répandue en France dans le secteur résidentiel. Le chauffage individuel, moins cher que le gaz naturel et que le fioul, représente à lui seul près de 60 % de la chaleur renouvelable sur le territoire en 2014. La PPE prévoit même une augmentation du nombre de logements chauffés au bois : 8,6 millions de logements en 2018 et 10,3 millions de logements en 2023. Mais avec une consommation de bois constante grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils et de l’isolation des logements.
Il existe 2 grandes sous filières de la filière bois énergie, le chauffage individuel des ménages et les chaufferies industrielles collectives. Le gouvernement soutient le développement et la modernisation des équipements de ces 2 sous filières dans le but les rendre plus propres et de générer de l’emploi. D’après Le ministère de la Transition Écologique et Solidaire on évalue à 30 000 le nombre d’emplois crées par l’auto-approvisionnement en bois bûche, avec une augmentation de 50 % dans les dix ans à venir. Le Ministère a d’ailleurs lancé en 2009 le Fonds Chaleur géré par L’ADEME, dans le but de soutenir cette industrie.
Le biogaz en plein essor
Le biogaz est un gaz libéré par les matières organiques lors de leur décomposition selon un processus de fermentation appelé méthanisation. Ce gaz naturel est renouvelable car issu de la valorisation des déchets. L’utilisation du biogaz connaît un réel engouement ces dernières années. Il affiche en effet des performances environnementales excellentes avec des émissions très faibles de GES et quasi nulles pour les particules fines. Il sert à la production de chaleur ou d’électricité, ou les deux en même temps grâce à la cogénération.
Depuis quelques années on assiste au développement de nouvelles installations dites de cogénération. La cogénération consiste à produire simultanément de l’électricité et de la chaleur au sein de la même installation, et à partir d’une même source d’énergie. Et les bioénergies se prêtent très bien au jeu, notamment les déchets ou les biogaz. Le biogaz permet de générer de l’énergie sous la forme d’électricité ou de puissance thermique. Son proche cousin le biométhane, est lui directement issu de l’épuration du biogaz dans le but qu’il se rapproche le plus possible du gaz naturel. Le biométhane peut alors être injecté dans le réseau de gaz.
Même s’il ne représentait en 2016 que 2 % de la production d’énergies renouvelables en France, le biogaz se développe rapidement ces dernières années avec une croissance de 7% entre 2015 et 2016, notamment boostée par l’industrie naissante de la cogénération sur le sol français : +14% pour l’électricité cogénérée et +19% pour la chaleur cogénérée sur cette même période. En 2016 le biogaz aura servi en France pour 62% à produire de l’électricité avec 506 installations recensées et pour 36 % de la chaleur. La filière chaleur étant également soutenue par le Fonds Chaleur de l’ADEME.
Quant aux déchets urbains renouvelables, 114 installations en métropole permettent de les valoriser. Ces déchets produisent électricité et chaleur (produites seules ou en cogénération) et viennent gonfler la part des énergies renouvelables estampillées bioénergies dans le bouquet énergétique français.
Enfin la bonne équation pour les biocarburants ?
Les biocarburants conventionnels de première génération sont des carburants issus de matières organiques végétales comme la betterave, le colza ou le tournesol. Ces carburants alternatifs ont des atouts indéniables comme la baisse des émissions de GES. Mais sont aussi et surtout en concurrence directe avec et la culture des terres pour l’alimentation. Avec à la clé une augmentation des prix des denrées alimentaires dans le monde.
Les biocarburants avancés dits de 2ème génération ont cet avantage de valoriser des ressources non alimentaires. En effet ces biocarburants, issus de la transformation de la lignocellulose, utilisent des résidus provenant de la biomasse : déchets agricoles et forestiers ou cultures énergétiques. Cette deuxième génération présente un bilan énergétique plus favorable que la première, limite de fait les problématiques d’usage des sols et de concurrence avec l’alimentaire, et offre même un nouveau débouché aux filières agricoles. Mais comme pour la filière bois énergie, la production de biocarburants de 2ème génération n’est intéressante que si elle est encadrée par des conditions strictes de durabilité.
Par ailleurs cette industrie est confrontée à des contraintes techniques pas encore totalement maîtrisées et demande des investissements en R&D. Cette deuxième génération est donc en phase de développement, la filière se structure et des projets voient le jour en ce moment (Futurol BioTFuel et Gaya notamment). La France est même le quatrième pays producteur mondial de biocarburants avec plus de 2 millions de tonnes de biocarburants produits sur le territoire (5% de la production mondiale). De grands défis pour de belles perspectives.
A noter, les biocarburants sont généralement incorporés dans les carburants d’origine fossile, mais ne se substituent pas entièrement à eux. Par exemple en France en 2019, 7,9% de biocarburants sont incorporés à l’essence et au gazole traditionnels.
Toutes les bioénergies ont donc un rôle primordial à jouer pour atteindre le mix énergétique voulu. C’est une filière bénéfique pour la nature et l’environnement et à très fort potentiel de développement en France. Mais uniquement si elle l’est dans le respect d’une exploitation durable des écosystèmes, avec un effort particulier mis sur la modernisation des installations et la R&D pour continuer d’en améliorer les performances.
Sources / Pour aller plus loin :
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/biomasse-energie
https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/datalab-35-cc-des-energies-renouvelables-edition-2018-mai2018-c.pdf
https://bilan-electrique-2017.rte-france.com/production/le-parc-de-production-national/
http://www.enr.fr
https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-renouvelables/quel-avenir-les-biocarburants