« Aujourd’hui 1 Mwh solaire ou éolien – hors investissement – coûte moins cher à produire qu’1 Mwh de nucléaire. Et avec la nouvelle génération d’EPR, les coûts annoncés par EDF sont de l’ordre 120€ le Mwh. Or aujourd’hui, on peut faire des parcs solaires qui sont rentables, investissements compris, autour de 60€. Donc, pour moi, le bon moyen pour faire baisser le prix de l’électricité pour les consommateurs, c’est de déployer du renouvelable en masse sur le territoire. » Voilà ce que nous précise Julien Tchernia assez rapidement dans la conversation.

Peu après la hausse des tarifs réglementés de l’électricité (+5,9%) annoncée début juin, nous avons eu l’occasion d’échanger avec le co-fondateur de l’entreprise ekWateur, sur le développement des énergies vertes en France – notamment le biométhane – mais aussi sur l’opportunité que représente le développement de l’auto-consommation pour les français. Car la hausse des tarifs est surtout liée à une vision française centralisée et quelque peu ancienne de l’énergie… qui a peut-être besoin d’un coup de modernité ?

Julien Tchernia
Julien Tchernia, CEO et co-fondateur de ekWateur


Les Horizons : ekWateur est l’un des premiers fournisseurs français d’énergie verte. Quelles sont les principales sources d’énergies renouvelables que vous proposez à vos clients ?

Julien Tchernia : La majorité de nos fournisseurs proposent de l’hydraulique. C’est la source renouvelable la plus abondante en France aujourd’hui. C’est aussi la filière la plus ancienne. Les parcs éoliens et solaires sont assez récents, donc avec les obligations d’achats, c’est compliqué pour nous de travailler avec eux. On le fait avec certains producteurs. Ça se fera de plus en plus. Et aujourd’hui, ce en quoi on croit vraiment, c’est le biométhane.


Vous proposez du biométhane à vos clients ?

Oui, on est les seuls en France à proposer du biométhane avec Ilek. Mais ça reste encore très embryonnaire. On doit avoir 2 000 clients. Ilek probablement 1 000. Le tout sur 11 millions de clients qui se chauffent au gaz.


C’est une tendance qui va se développer ?

Oui absolument. Mais ça reste encore cher. Aujourd’hui, il y a très peu de projets en France sur ce sujets. Environ 70 projets actifs. Alors qu’on a le premier gisement en Europe vu nos capacités agricoles. Du coup, ça fait que le biométhane français est beaucoup plus cher que celui qu’on achetait en Angleterre avant le Brexit. On l’achetait 7 à 8 fois moins cher. En plus, pour le chauffage, le biométhane est certainement plus efficace que l’électricité puisque sur l’électricité, vous avez des pertes lors du transport et sur le réseau. On a pas ces pertes sur les réseaux de gaz.

En revanche, il y a la question des coûts. Contrairement au solaire, par exemple, dont les coûts ont baissé au fur et à mesure que la technologie s’est améliorée, est ce qu’on pourra améliorer le process de production du biométhane pour en diminuer les coûts ? C’est à réfléchir. D’autant qu’il ne faut pas tomber dans le piège de dédier des terres agricoles au biométhane pour en augmenter la productivité, ce qui serait une aberration écologique.

Le développement des énergies vertes ne pourra se faire que si on met à disposition de tout le monde la possibilité de produire et de vendre


Quels sont les freins au développement de cette filière actuellement ?

Aujourd’hui, un client qui achète du biométhane chez nous est exonéré de la taxe carbone sur sa facture. Ça c’est une bonne chose, c’est une économie de 10% du prix par rapport au gaz naturel normal. Par contre, la problématique se situe au niveau des fournisseurs car on est taxé à 75% sur la plus-value réalisée par rapport au gaz naturel. En gros, si je paye 5 euros de plus le biométhane et que je le revends 20 euros, je vais avoir 15 euros de taxe, donc je ne gagne rien. Sauf si je vends le biométhane a des fins de transport où là, je ne suis pas taxé. Mais pour le chauffage, cette taxe, c’est un frein énorme au développement de la filière.


Donc la tendance pour développer les énergies renouvelables, elle se situe ailleurs ?

C’est difficile aujourd’hui de connaître les tendances qui vont émerger, entre l’éolien, le photovoltaïque, les énergies marines renouvelables…. Mais ce en quoi on croit chez ekWateur, c’est que le développement des énergies vertes ne pourra se faire que si on met à disposition de tout le monde la possibilité de produire et de vendre. L’auto-consommation, c’est la clé pour nous. On a été les premiers en France à proposer ce modèle et cela fonctionne. On capte un client par semaine sur ce sujet.


C’est un système qui fonctionne à l’étranger ?

Oui, en Belgique, par exemple, en Wallonie pour être exact, vous avez 10% des wallons qui sont couverts en auto-consommation. En France, on se situe à 1%. L’auto-consommation est également plus développée en Allemagne et aux Pays-Bas. En France c’est difficile car on a toujours fonctionné sur un modèle très centralisé par l’Etat et EDF.

Cela reste ancré aujourd’hui. Pourtant, pour faire évoluer nos comportements en matière de production et de consommation d’énergie, il faut proposer quelque chose de neuf. Aujourd’hui, rien ou presque n’est proposé en dehors des tarifs. L’auto-consommation, ça peut être le catalyseur pour faire évoluer les pratiques.

Pour le chauffage, le biométhane est certainement plus efficace que l’électricité


Aujourd’hui, vous accompagnez les particuliers par exemple dans l’installation des panneaux solaires qui permettent l’auto-consommation ?

Non, pour le moment c’est aux particuliers de gérer leur installation. Mais on travaille à développer des partenariats avec des installateurs. On pense en effet que c’est à nous, fournisseurs, de proposer la solution clé-en-main pour démocratiser la pratique. L’idée, c’est aussi de proposer des services autour de l’auto-consommation. On a lancé une offre de rachat d’énergie. On travaille sur des thermostats intelligents.

On propose également des outils de suivi de consommation. On devrait proposer une nouvelle mouture de ce module de suivi de consommation d’ici la fin de l’année. On veut travailler sur la traçabilité. Par exemple, pouvoir dire à nos clients ; « aujourd’hui, la réalité c’est que 70% de l’électricité vient d’un petit producteur, et le reste, on l’a complété. Mais demain, on achètera peut-être 130% pour compenser ce qui a été fait hier ». On veut donner une vision plus réelle de l’équilibre production / consommation par souci de transparence vis à vis de nos clients.


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