La France s’est engagée, depuis les Accords de Paris en 2015 et la Loi Énergie-Climat de 2019, dans un processus visant à atteindre la neutralité carbone en 2050. Deuxième secteur polluant derrière celui des transports, le secteur du bâtiment est responsable de plus de 25 % des émissions françaises de GES en 2019. Limiter son impact carbone représente donc un enjeu essentiel pour l’atteinte des objectifs nationaux, notamment ceux de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Alors que depuis les crises pétrolières des années 1970 les réglementations dans le bâtiment visaient essentiellement à réduire les consommations d’énergie – à l’instar de l’actuelle RT2012 – la Réglementation environnementale 2020 (RE2020) marque un tournant dans les exigences nationales et s’inscrit comme un outil de lutte contre le réchauffement climatique.
Prévue par la loi 2018 sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite Loi Elan), la RE2020 a été initiée en janvier 2020 et entrera en vigueur à l’été 2021. Elle s’appuie sur l’expérimentation nationale énergie positive / réduction carbone (E+/C-) lancée en novembre 2016 par l’État et copilotée depuis lors avec le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE).
Désormais, il s’agit de changer d’échelle pour le bâtiment bas-carbone et en particulier pour la construction bois et les matériaux biosourcés
Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement
En considérant qu’à ce jour un quart des bâtiments de la France de 2050 n’est pas encore construit, la RE2020 cible les bâtiments neufs dont les permis de construire seront déposés à partir de l’été prochain. Cette nouvelle règlementation ouvre notamment la voie aux matériaux biosourcés comme alternative aux bétons traditionnels.
Atteindre la neutralité carbone en France dans trente ans
La RE2020 donne trois axes prioritaires au futur bâti :
- Priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie,
- Diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments,
- En garantir la fraîcheur en cas de forte chaleur.
Dans le document de présentation de la future réglementation environnementale, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, indique que la RE2020 accélère « la décarbonation de ce secteur en agissant sur la phase de construction qui, pour un bâtiment neuf performant, représente entre 60 % et 90 % de son impact carbone total ». D’ici 2030, la nouvelle réglementation devrait faire baisser cet impact carbone de plus de 30 %.
Généraliser le bois et les matériaux biosourcés d’ici 2030
La révolution induite par la RE2020 porte notamment sur la prise en compte de l’impact carbone de la phase de construction des bâtiments. Pour réduire ces impacts, la future réglementation introduit un changement méthodologique qui oblige à calculer l’impact environnemental de tous les matériaux utilisés dans le bâtiment, de sa construction à sa démolition. L’analyse de cycle de vie (ACV) qui est mise en œuvre prend notamment en compte le stockage carbone des matériaux utilisés, essentiellement le bois et les matériaux biosourcés.
L’objectif est d’atteindre progressivement à l’horizon 2030, et de manière différenciée selon la typologie du bâtiment (individuel ou collectif), une baisse de 30 % à 40 % des émissions carbone de la construction. Pour cela l’usage des matériaux biosourcés, et notamment du bois, devrait devenir quasi-systématique à partir de 2030, y compris dans la structure des maisons individuelles et de l’habitat collectif.
Aujourd’hui, les maisons à ossature bois représentent moins de 10% du marché de la maison individuelle neuve en France. L’usage de la structure bois est encore plus faible en logement collectif, ce qui devrait amener les acteurs de la filière bois à s’organiser au niveau national pour réussir à suivre le rythme exigé par la RE2020. Pour accompagner cette transition, le Gouvernement annoncera prochainement des initiatives en faveur de l’innovation et du développement d’une production nationale de bois de construction, y compris en favorisant les usages mixtes entre matériaux.
En logement collectif, à partir de 2030, les matériaux biosourcés seront vraisemblablement systématiques en second œuvre et très courants dans le gros œuvre, sous réserve que de nouvelles innovations sur les bétons bas-carbone voient le jour d’ici-là.
Vers des bâtiments plus agréables en cas de forte chaleur
Sept ans après sa mise en application, la RT2012 a montré son inefficacité en termes de protection des bâtiments contre les fortes chaleurs. Les épisodes caniculaires se renouvelant à un rythme accéléré, la RE2020 a fait de la fraîcheur des habitats en été un de ses trois objectifs prioritaires. Un seuil maximum de 1250 DH – indicateur de confort d’été, exprimé en degré.heure (DH) – sera fixé dans la réglementation environnementale. Il correspond à une période de 25 jours pendant laquelle la température du logement ne dépassera pas, en continu, 30°C le jour et 28°C la nuit.
Pour respecter ces seuils, les constructeurs seront encouragés à développer des solutions de climatisation passive qui portent sur la forme ou l’orientation du bâtiment, l’installation de brasseurs d’air et de puits climatiques, la protection naturelle contre le soleil, etc.
Autant de technique durables et économiques qui réduisent l’impact du soleil et de la chaleur sur la température ressentie à l’intérieur par ses occupants. Ici, la règlementation et la priorité à l’usage des matériaux biosourcés pourraient être modulées dans certaines zones – en particulier sur le pourtour méditerranéen et la Provence – afin de donner la priorité à cet objectif de fraîcheur.
Des bâtiments qui consomment moins et utilisent des énergies bas-carbone
La RE2020 renforce les exigences de sobriété énergétique de l’actuelle RT2012, et y ajoute des exigences de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les moyens de chauffage utilisant exclusivement les énergies fossiles, et notamment le gaz, seront interdits, dès 2021 pour les maisons individuelles neuves, et de manière progressive jusqu’en 2024 pour les nouveaux logements collectifs.
Ces seuils conduisent à augmenter le déploiement de pompes à chaleur et de systèmes de chauffage utilisant la biomasse pour les logements individuels. Les versions collectives de ces systèmes se développeront pour l’habitat collectif neuf, complétées par l’extension des réseaux de chaleur et de solaire thermique notamment.
Pour parachever le tout, la RE2020 imposera un seuil maximal d’énergie primaire non renouvelable, conduisant par là-même au recours systématique à la chaleur renouvelable.
Une mise en application progressive jusqu’en 2030
Une phase de consultation au sujet des premiers décrets et arrêtés pour les logements sera lancée début décembre. Elle permettra de procéder aux derniers ajustements de la RE2020, qui sera publiée avant le 2ème trimestre 2021. La mise en consultation de la réglementation pour les bureaux et les bâtiments scolaires sera légèrement décalée mais son entrée en vigueur sera concomitante de celle du résidentiel. Pour le tertiaire plus spécifique (hôtels, commerces, gymnases, etc.), sa réglementation devrait entrer en vigueur en 2022.
La révolution des techniques de construction des bâtiments représente des mutations très fortes pour les acteurs du secteur. Afin qu’ils puissent s’y adapter, la RE2020 dessine une trajectoire progressive et d’exigence croissante à partir de 2021, assortie de trois paliers en 2024, 2027 et 2030. En parallèle, et pour soutenir la capacité d’anticipation et d’innovation des professionnels du bâtiment, un label d’État sera lancé fin 2021. Il évoluera avec le temps et valorisera les constructions qui auront anticipé sur la mise en application des exigences du palier supérieur de la RE2020, démontrant ainsi leur caractère novateur et exemplaire. Le label, dont les contours sont en cours d’écriture, pourra être assorti d’incitations fiscales ou réglementaires.
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