Face aux événements climatiques qui dérèglent le cycle de l’eau, les villes doivent maintenant sécuriser l’approvisionnement en eau, et en eau de qualité. Elles doivent également se prémunir des risques climatiques – sécheresses et inondations – tout en faisant face à une réduction de la disponibilité et une augmentation des besoins.
Depuis plusieurs années, différents modèles émergent : création de stations d’épuration ultra-locales, traque et résolution des fuites dans les réseaux, réutilisation de l’eau et récupération des eaux de pluie… sans oublier les Solutions fondées sur la Nature avec la végétalisation des zones urbaines.
Des mini-stations d’épuration pour une meilleure gestion de l’eau en ville
Les villes qui en ont les moyens, pour être durables et résilientes, s’engagent dans l’évolution de leurs réseaux d’assainissement. Les adapter est devenu nécessaire pour absorber et gérer efficacement les fortes variations d’arrivée et de pénurie des eaux de pluie. En France par exemple, de plus en plus fréquemment les collectivités locales se rapprochent entre elles, sous la forme de syndicats mixtes départementaux, pour faire des économies d’échelle et créer des organisations territoriales solidaires, en cas de pénurie par exemple.
Les villes savent aussi s’organiser pour avoir une production d’eau à un niveau très local, à la hauteur d’îlots ou de quartiers de 20 000 à 70 000 habitants. Une infrastructure de proximité permet de mieux adapter la production à la demande, de réduire les risques de fuites, tout en intégrant un système efficace de recyclage des eaux usées pour d’autres utilisations que l’eau potable.
Ainsi, des systèmes d’épuration souterrains dimensionnés à l’échelle d’un quartier apparaissent dans certaines villes, comme à Narbonne où, fin 2019, un nouveau lotissement de 19 parcelles y a été aménagé avec un réseau local équipé d’une mini-station d’épuration.
Plus écologique et économique qu’un raccordement au réseau général d’assainissement, ce type de stratégie a aussi pour résultat, en réduisant le dimensionnement du réseau, de limiter les risques de fuites et de pollution de l’eau. Un exemple intéressant pour les nouveaux quartiers qui émergent.
Optimiser l’arrosage grâce à la technologie
D’après les chiffres du CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), les espaces verts publics représentent une surface de 29 000 à 35 000 hectares en France, avec une consommation moyenne de 248 litres par mètre carré et par an. Leurs chiffres indiquaient en 2013 que 91% de l’eau utilisée pour l’irrigation des espaces verts municipaux est de l’eau potable issue du réseau de distribution.
Ici aussi, une meilleure gestion de l’eau s’impose petit à petit aux collectivités. D’abord avec des pratiques de jardinage écoresponsables. Des techniques naturelles comme le paillage et le binage permettent de diviser par deux les besoins hydriques des plantes. Enfin, il existe aussi des technologies, notamment des capteurs connectés, qui permettent de mieux connaître les besoins en eau pour un arrosage plus précis et donc plus économe.
20% de l’eau potable est perdue avant d’être consommée
La lutte contre les fuites est une préoccupation essentielle pour les services d’eau. Elles étaient estimées à près de 1 000 milliards de m3 dans le monde et 1 milliard de m3 en France en 2014, soit environ un cinquième de l’eau potable produite. Réduire les pertes en eau permet de limiter les prélèvements dans le milieu naturel, et aussi de faire des économies d’énergie et d’argent public, payé par le consommateur en bout de chaîne.
Au niveau du consommateur individuel, des systèmes de réseaux intelligents et d’équipements connectés permettent de détecter et réduire les quantités d’eau potable perdues. À l’échelle d’une agglomération, les exploitants publics et privés de l’eau potable expérimentent aussi la gestion intelligente des réseaux.
Pour détecter les fuites on peut citer le dispositif EAR qui a été déployé dans toute la France par le groupe SAUR (qui gère des services d’eau et d’assainissement par délégation de collectivités dans plus de 6 700 communes). Positionné dans les colonnes d’eau, le dispositif est constitué de capteurs dotés de membranes hydrophones capables de capter et de traduire sous forme d’ondes les bruits spécifiques induits par les fuites d’eau. Cette technologie permet le pilotage intelligent des infrastructures d’eau potable et la réduction des fuites sur tout le réseau.
À Saint-Barthélemy par exemple, dans les Antilles françaises, le groupe a quantifié une amélioration de 15 % du rendement du réseau en seulement deux ans, soit 95 000 m3 d’eau économisés. Sur cette île, l’eau est produite par des usines de dessalement d’eau de mer, ce qui lui confère une valeur encore supérieure à l’eau potable de la France métropolitaine.
Un nombre croissant d’agglomérations s’engage ainsi dans l’optimisation de la gestion de l’eau potable par des technologies intelligentes, poussé par des acteurs innovants comme la startup Fluks Aqua. La qualité et la quantité de l’eau distribuée sont surveillées en temps réel avec des capteurs connectés, des compteurs communicants et de plus en plus d’intelligence artificielle.
Cette surveillance immédiate permet tant au consommateur qu’au distributeur de détecter rapidement des fuites et d’économiser des millions de m3 d’eau, qui seraient sinon repartis dans la nature après avoir été traités sans être finalement consommés. Un gaspillage énorme qui a un coût pour l’exploitant et le consommateur final.
Des innovations au niveau des infrastructures urbaines
Dans la recherche d’optimisation de la gestion de l’eau, les villes ne s’arrêtent pas à limiter les fuites. Elles sont de plus en plus nombreuses à récupérer la chaleur des eaux usées pour différents usages. L’eau peut provenir d’industries qui rejettent des fluides dont les températures sont comprises entre 13° C et 25° C. Un niveau suffisant pour chauffer des bâtiments publics. Les eaux usées peuvent aussi contribuer à préchauffer de l’eau chaude avec un échangeur de chaleur sur la canalisation, et en installant une pompe à chaleur pour augmenter la température jusqu’à 65° C. Ce même fluide, quand il est à 13° C, peut également être récupéré pour climatiser des bâtiments en été.
Autre application à Paris. La ville chauffe depuis quelques années les bassins et les douches de la piscine d’Aspirant-Dunand dans le 14ème arrondissement en récupérant la chaleur des eaux des égouts, comprise entre 13° C et 20° C tout au long de l’année. Par un système de géothermie basse température, les calories sont extraites des effluents à l’aide d’échangeurs thermiques et valorisées avec des pompes à chaleur qui stockent l’énergie pour chauffer les bassins.
La piscine de la Butte-aux-Cailles (Paris 13ème) pour sa part chauffe son bassin nordique extérieur en récupérant, via une chaudière spécifique, la chaleur générée par les serveurs d’une startup qui sont installés dans les sous-sols du bâtiment.
Mais ces solutions techniques et technologiques, qui permettent de résoudre une partie du problème de la gestion de l’eau, ne doivent pas cacher les Solutions fondées sur la Nature, et notamment le retour du végétal en ville. Important à la fois pour se prémunir des fortes chaleurs, mais aussi pour réduire le risque d’inondations.