Crise de confiance entre consommateurs et marques, difficulté à valoriser les bonnes pratiques dans les filières agroalimentaires, utilisation des technologies mobiles et blockchain pour répondre à ces enjeux : échanges avec Stefano Volpi, co-fondateur de Connecting Food, start-up française spécialisée en traçabilité alimentaire.


Les Horizons : Quelle a été la genèse de la création de Connecting Food ? 

Stefano Volpi : Connecting Food est un projet né en octobre 2016. Maxine, mon associée (Maxine Roper, ndlr) et moi avons tous les deux un parcours de 20 ans dans l’agroalimentaire. Nous avons travaillé à la fois dans des sociétés de l’aval comme Nestlé, Danone ou Panzani, et aussi dans de sociétés de l’amont, comme Avril.

Ce qui nous a permis de constater, d’abord, l’évolution du comportement du consommateur, qui est passé progressivement d’une posture assez passive à une volonté de savoir précisément ce qu’il consomme, parce qu’il reconnaît l’impact de ses choix sur sa santé ou encore sur l’environnement. 

Ensuite, nous connaissons aussi les marques et les distributeurs, et le rapport, parfois la déconnexion, qu’ils ont avec les acteurs de l’amont que sont les producteurs. Donc, partant de ces constats, nous nous sommes dit : « on doit, et on veut reconnecter les maillons entre eux »


D’où le nom Connecting Food ? 

Oui, notre ambition, c’est de reconnecter tous les acteurs de la filière, du producteur au consommateur pour, au final, redonner confiance au consommateur dans son alimentation en lui permettant de choisir ses produits de manière éclairée, ou consciente. 

Et pour cela, on cherche à résoudre un des problèmes de la supply chain qui, par manque de moyens, ne peut pas garantir la conformité de chaque produit. Parce que, pour contrôler, lot par lot, tous les produits dans une supply chain, il faudrait mettre une personne dans chaque usine ou dans chaque champ. Économiquement ou humainement, c’est impossible. D’autant qu’il existe une vraie difficulté, aussi, à valoriser les producteurs qui font des efforts pour assurer de bonnes pratiques, parce qu’il se passe plein de belles choses dans certaines filières de l’agroalimentaire. 

On peut améliorer cela grâce à la technologie, qui permet de pouvoir tracer et certifier en temps réel le respect des cahiers des charges, du lieu de production jusqu’au consommateur final, et de valider, à chaque étape que tout est bien respecté.

Nous nous positionnons comme un tiers de transparence



Et pour ça, vous avez fait le choix de la Blockchain ? 

Oui, nous utilisons la blockchain, entre autres technologies. Elle est très intéressante en tant que tiers de confiance, car c’est un registre qui est à la fois infalsifiable, et qui prouve aussi la responsabilité de ceux qui ont émis l’information. Évidemment, ce n’est pas la blockchain qui peut résoudre tous les problèmes dans une supply-chain, mais c’est un maillon important de notre solution. 


Concrètement, comment fonctionne votre solution ?

En matière de transparence, nous pensons qu’il faut inciter les marques à montrer des preuves de l’intérieur. 

On est indépendant, nous nous positionnons comme un tiers de transparence. On travaille avec les marques, les producteurs, les distributeurs, qui nous remontent leurs données. Et on les rend accessible au consommateur, qui s’appuie sur un scan de QR code pour accéder à une Web App qui invite à découvrir le parcours du produit, la zone de production, le respect des caractéristiques, et d’autres informations utiles. 

Après, nous ne sommes pas là pour dire qu’une chose est meilleure qu’une autre, on ne fait pas de recommandations. Mais nous montrons au consommateur ce qu’il y a derrière les produits qu’il achète.

équipe connecting food
L’équipe de la start-up Connecting Food


Qui sont vos concurrents ? Les applications de Food Scaning en font partie ? 

Non, nous nous inscrivons dans une logique d’écosystème et de complémentarité des acteurs. Les applications de recommandations nutritionnelles, et Yuka pour ne pas les citer, font un super travail de prise de conscience pour les consommateurs. D’une certaine manière, ils ont aussi appris aux consommateurs à utiliser leur smartphone pour les inciter à regarder ce qu’il y a dans les produits. Mais avec une logique de recommandation, basée sur les informations nutritionnelles d’un produit. 

Donc on est différents dans nos approches, mais complémentaires dans la révolution pour que le consommateur devienne plus actif. 

Après, sur ce marché, on retrouve aussi de gros acteurs de la tech, comme IBM, et qui proposent des solutions plus transversales. Là où, de notre côté, nous sommes une entreprise de la food. Et puis on retrouve aussi des acteurs spécialisés dans collecte d’information auprès des producteurs, via des capteurs connectés par exemple, et des plateformes de données. 

Il y a aussi des sociétés qui font plutôt de l’audit de process, ce qui est un notre volet où l’on ne va pas contrôler les produits, mais la capacité à les produire. 

Ce n’est pas la blockchain qui peut résoudre tous les problèmes dans une supply-chain, mais elle est très intéressante en tant que tiers de confiance


Qu’est ce que les marques viennent chercher chez vous ? 

Les marques sont conscientes qu’elles doivent répondre à un problème de fond qui est que le consommateur ne leur fait plus confiance.

Toutes les études en France comme à l’International s’accordent sur des chiffres proches, précisant que deux tiers des consommateurs ne font pas confiance aux marques dans l’alimentation. Ils cherchent des parades avec le local et les circuits courts. Mais tout le monde ne peut pas aller chercher tous ses produits à la ferme. En ce sens, notre solution permet d’avoir un circuit ultra court virtuel, elle vous montre d’où vient votre alimentation. C’est pour ça qu’on parle de marketing de la preuve plutôt que de marketing de la promesse. 

Et puis de plus en plus de marques sont convaincues aussi par notre solution afin d’y associer les producteurs et de recréer du lien également avec les acteurs de l’amont. Cela permet aussi de mettre en avant des critères RSE lié au travail, par exemple.


Quelles sont vos prochaines étapes ? 

Nous souhaitons devenir une référence sur ce marché, en France et à l’international. Aujourd’hui nous sommes présents en Italie, en Allemagne, nous venons de signer un contrat aux Etats-Unis, on souhaite rayonner aussi en dehors de l’Europe.