Pays phare de la gastronomie et de l’agroalimentaire, la France peut elle revendiquer un rôle important concernant la foodtech ?
La France, en terme d’alimentation, possède un patrimoine sans équivalent au monde. Tant au niveau de la diversité de nos productions qu’à l’importance historique de la gastronomie dans notre culture. Au fil des siècles, l’art culinaire français s’est répandu à travers le monde tout comme notre puissance agricole.
Premier exportateur mondial de pommes de terre ; premier producteur européen de céréales et de viande bovine, deuxième producteur mondial de vins et deuxième producteur européen de lait, beurre et fromages. Troisième producteur européen de fruits, légumes et volailles… Toute somme réalisée, la France est aussi le 4ème exportateur mondial de produits agro-alimentaires. Une industrie qui est la première du pays, réalisant au passage un chiffre d’affaires de 360 milliards d’euros par an.
Cependant, maintenant que le monde se transforme autour de la technologie, ne serait-il pas logique de voir le pays de Vatel et de Joël Rebuchon être à la pointe de ce que le numérique apporte à l’alimentation ?
Ne serait-il pas normal – pour ne pas dire qu’il s’agit là d’un minimum – que l’association de notre histoire, de nos terroirs et du savoir-faire de nos ingénieurs fasse de la France une puissance mondiale de la Foodtech ?
On aurait tort de le penser mais raison de le souhaiter. Car en vérité, la France accuse un retard indéniable sur le sujet. Toutefois, elle n’est pas non plus dénuée d’un ensemble d’acteurs qui commence à se structurer.
Il y a donc de belles et tangibles perspectives à l’horizon.
La Foodtech, c’est le numérique du champ à l’assiette
La FoodTech, qu’est ce que c’est ? Eh bien, c’est un terme qui regroupe ce que le numérique et l’innovation technologique –traitement des données, impression 3D, intelligence artificielle, robotisation, réalité virtuelle, objets connectés, applications mobiles – peuvent apporter à la chaîne de valeur de l’alimentation.
Elle couvre donc l’ensemble de la chaîne, depuis la production jusqu’à la consommation (nutrition personnalisée, médias, cuisine intelligente…), en passant par la transformation (packaging, sécurité et traçabilité des aliments…), et la distribution (restauration, livraison, marketplace…).
Si l’on décide de traiter l’Agriculture comme un ensemble à part – ce qui est à la fois discutable et notre choix – la FoodTech comprend donc toutes les activités de transformation, distribution et consommation des aliments produits.
Elle peut ainsi se décliner en différentes verticales :
- Les services offerts aux restaurateurs et distributeurs afin de les aider à optimiser la gestion de leurs lieux, de leurs approvisionnements, de leur communication. Sans compter la traçabilité des aliments.
- La science alimentaire qui permet de travailler à de nouveaux aliments et apports nutritionnels.
- La vente et la livraison : c’est à dire le e-commerce, la réinvention des drive où des magasins, la livraison de courses où livraison de repas.
- Enfin les services de consommation comme les conseils en nutrition, les cuisines intelligentes où les médias d’infotainment liés à la nourriture.
Dans ce grand ensemble, les entreprises françaises que vous connaissez sans doute le mieux sont peut-être Marmiton, la Ruche qui dit Oui où Frichti. Mais vous en connaissez d’autres comme Deliveroo et UberEats.
Et il en existe des milliers à travers le monde.
La FoodTech en France : un petit poucet aux allures de Goliath
La France est le pays de la gastronomie, de l’art culinaire et l’une des industries agro-alimentaire les plus performantes du monde. Elle possède l’histoire et le terroir nécessaire pour en faire un monstre de l’éco-système FoodTech mondial. Mais sur ce sujet, elle affiche un retard à l’allumage étonnant.
Pourtant, les créations de start-up Foodtech sont en augmentation croissante sur le territoire français ces dernière années. On dénombrait 68 « naissances » d’entreprises dans ce secteur en 2014. On en compte 131 en 2016. Soit une création de start-up multipliée par 2 en seulement deux ans.
Au total, d’après un décompte réalisé par DigitalFoodLab en 2017, il y aurait 472 start-up Foodtech en France. Dont 400 ont été créées sur la période 2013-2017. Ce qui permet d’obtenir un marché non négligeable.
Sur cette même période, ces start-up ont levé pour 317 millions euros auprès d’investisseurs. Une somme qui représente un bon capital de départ pour structurer un marché mais qui fait office de goutte d’eau dans la mer face aux investissements réalisés dans le monde.
En effet, ces 317 millions d’euros comptent seulement pour 1,13% des investissements mondiaux réalisés dans la FoodTech durant ces 4 dernières années.
Un potentiel à structurer et à développer
Pourtant, si la France possède un retard sur cette thématique, les signes que cette industrie est en mesure de combler son retard sont nombreux. Mieux, elle pourrait même devenir, en se structurant, une scène incontournable sur ces problématiques. Voire, un leader européen peut-être.
Outre l’augmentation significative de création de start-up dans ce domaine, les levées de fonds réalisées par la FoodTech française sont également intéressantes à analyser. On est par exemple passé de 12 deals et 22 millions d’euros levés en 2013 à 82 deals et 139 millions d’euros en 2016. En 3 ans, des chiffres plus de 6 fois supérieurs.
Plus de start-up ont donc reçu des fonds et plus de fonds ont été investis dans les start-up. L’investissement médian se situe aux alentours de 500 000 euros. Il y a une honnête base pour de premiers tours de tables. Et il y a une dynamique qui peut permettre au potentiel français de se structurer et se développer.
Mais le plus intéressant est de voir émerger ces quelques acteurs qui commencent à tirer le marché vers le haut. C’est le cas par exemple de Wynd et de Frichti (qui ont toutes les deux levés pour 30 millions d’euros en 2016) ou encore d’Alkemics (20 millions d’euros). Des chiffres qui prouvent que les investisseurs ont confiance dans cet écosystème.
Une bataille qui sera rude pour s’imposer à l’international
Wynd, Alkemics, Frichi sont les premières « grosses » levées de fonds de la FoodTech française. Mais ces montants augurent-ils la maturité naissante du secteur ?
Si les signes sont encourageants, la mesure reste de mise. En effet, malgré de belles promesses – par exemple le cabinet Xerfi prédit que le chiffre d’affaires du marché français de la FoodTech devrait atteindre 1 milliard d’euros en 2020 – la pérennité des business modèles de ces entreprises n’est pas encore démontrée. Les exemples de sociétés prometteuses dans le secteur de la livraison à domicile qui ont du déposer le bilan sont là pour le rappeler.
Et par ailleurs, ces premières pépites françaises devront bientôt, pour confirmer les espoirs placées en elles, passer sans encombre la (très) difficile épreuve de l’internationalisation.
Là où, finalement, tout commence réellement.
Mais il faut y croire et tout laisse à penser que cet écosystème représente un avenir certain dans la transformation de nos sociétés. Il n’y a qu’a regarder l’engouement du sujet dans les autres pays. D’ailleurs, l’avance prise par les marchés anglo-saxons est tout à la fois le signe qu’il faut s’engouffrer tambour battant dans cette course et celui que la bataille sera rude .
Oui la bataille sera rude car lorsqu’on regarde la dominance d’Uber Eats où de Deliveroo dans la livraison par exemple ; où l’appétit grandissant d’Amazon dans le retail… on peut légitimement se demander si ces grands requins de la scène Food laisseront le temps aux pépites françaises de devenir de véritables challengers ?
Tout reste à faire mais c’est aussi le plus enthousiasmant. Car à tous les niveaux, la France possède de belles cartes à jouer.
Alors, il suffirait de presque rien, quelques années si tout va bien, et demain, la FoodTech française sera peut être reconnue comme une scène d’excellence dans le monde entier. Au même titre que sa gastronomie.