10 Août 1826. À Nantes, l’homme d’affaires Stanislas Baudry publie un prospectus à l’attention d’investisseurs dans lequel il vante les mérites de la nouvelle société qu’il vient de créer, la « Dame Blanche », qui deviendra en 1828 l’Entreprise Générale de l’Omnibus.

Cette entreprise est un nouveau moyen de transport urbain qui permet, selon le prospectus, de « rapprocher les distances par des moyens économiques de les franchir, [en facilitant] les communications entre commerçants dans la ligne où se trouve la plus grande quantité de gens d’affaires ». Il s’agit, en fait, de la toute première ligne de transport en commun à voir le jour en France.

Né en 1777 à Vieillevigne (Loire-Inférieure) et décédé en 1830 à Paris, Stanislas Baudry a fait une carrière militaire au sortir de ses études de Médecine. Engagé dans les Armées Napoléoniennes, il en obtient le grade de Colonel, ce qui lui vaut d’être mis en retraite avec demi-solde en 1814 lors du retour des Bourbons sur le trône de France. Stanislas Baudry se lance alors dans les affaires. C’est à Nantes qu’il investit d’abord dans une minoterie (entreprise qui prépare les farines de céréales) qu’il fait fonctionner au moyen d’une machine à vapeur que les Nantais appellent alors la « Pompe à Feu de Richebourg » (du nom du quartier Richebourg où elle est installée).

Son contemporain, le Docteur Ange Guépin, médecin hygiéniste fondateur de la première clinique ophtalmologique en Europe, disait de Stanislas Baudry [qu’il] « était chaud en industrie comme il l’était en politique ». Né dans une famille hostile à la monarchie absolue, Stanislas Baudry montre très vite un vif enthousiasme pour Napoléon, qui le conduira, en 1822, à s’aventurer dangereusement aux côtés du Général Breton dans une tentative de complot pour destituer Louis XVIII et faire revenir l’Empereur. Un complot finalement sans conséquences ni pour Louis ni pour Stanislas.

Un pragmatisme économique avant tout

Baroudeur dans l’âme, Stanislas Baudry, est un entrepreneur visionnaire et insatiable, dont le bon sens économique le pousse à des initiatives qui seraient aujourd’hui des exemples en matière d’écologie. Ainsi, il installe par exemple à côté de sa minoterie des Bains Publics dont la température de l’eau est obtenue grâce à la vapeur de sa « Pompe à feu », un modèle, déjà, d’économie circulaire.

Mais son entreprise n’attire pas les foules car elle se trouve à l’écart des quartiers populaires nantais situés à l’opposé. C’est donc pour faire venir les clients que Stanislas Baudry a l’idée de créer un service de transport en commun, gratuit, qui porte l’enseigne des « Bains de Richebourg ».

Et de cette manière, les transports en commun gratuits font ainsi leur apparition en France, à Nantes, à l’été 1826. Cependant, ce service qui relie les quartiers nantais aux « Bains de Richebourg » est rapidement un échec. Car si les Nantais sont ravis d’un transport en commun, gratuit et pratique, ils l’utilisent pour se déplacer quotidiennement mais sans fréquenter pour autant les Bains.

Stanislas Baudry en tire des conclusions immédiatement. Il comprend qu’il existe un besoin qui ira croissant au gré de l’urbanisation. Féru de Théâtre et séduit par l’Opéra Comique « La Dame Blanche », il fonde alors la Compagnie éponyme afin de développer ce service à plus grande échelle.

Omnibus Paris
Un Omnibus à Paris vers 1830


Des transports en commun pour faire face à l’urbanisation croissante

En effet, avec le siècle de l’Industrialisation, la ville moderne se développe. Elle n’est plus un lieu de vie statique mais un centre débordant d’activités, un écosystème qui se gère en termes d’axes de communication, de lignes et de flux, de gain de temps. 

Par ailleurs, dépourvues de trottoirs, les rues mal pavées sont autant d’obstacles pour des piétons qui circulent au milieu des souillures et des déjections animales. La multiplication des fiacres et des équipages de grandes maisons sont autant de risques d’accidents pour les piétons et la source des premiers embouteillages. Pour cette raison, les transports en commun proposés par Stanislas Baudry sont une révolution et la réponse à un besoin croissant pour l’époque.

Ces facteurs font que le succès des Dames Blanches est immédiat et plusieurs lignes sont créées. Très vite, elles sont d’ailleurs désignées par le surnom « Omnibus », qui signifie « pour tous et pour toutes ».

Galvanisé par ce succès Stanislas Baudry a ensuite cherché à conquérir la Capitale. Il obtient en 1828, du Préfet de la Seine, le droit de fonder une Entreprise Générale des Omnibus, qu’il cogère avec deux associés, et plusieurs lignes sont ouvertes à Paris, puis à Bordeaux et à Lyon. Face à des difficultés financière dont il est persuadé qu’il ne se remettra pas, il met fin à ses jours en 1830.


200 ans plus tard l’Omnibus est toujours d’actualité

Son œuvre lui a cependant survécu. Il est ainsi l’inventeur de nos transports en commun. Les Dames Blanches ont battu le pavé Nantais jusqu’à la fin du XIXème, avant d’être remplacées par le Tramway (et notamment le tramway à air comprimé de Mékarski, qui est également une invention nantaise), puis le métro et enfin l’ère de l’automobile qui donne naissance aux réseaux de bus tels qu’on les connait et qui « condamne » également certains services de transports en commun.

À l’exception de Satin-Etienne, toutes les villes françaises abandonnent ainsi leurs lignes de Tramway après la seconde guerre mondiale. Nantes, la ville qui a accueilli les premiers Omnibus tourne ainsi le dos à son tramway en 1958, avant de le remettre en service au début des années 1980. Elle sera, une nouvelle fois, la première ville française à remettre en service ses lignes de Tramway.

Aujourd’hui, presque 200 ans après l’invention de l’Omnibus, à l’heure de trouver des solutions résilientes pour un environnement durable, la majorité des villes françaises misent à nouveau fort sur les transports en commun. À l’image de ce qu’avait proposé Stanislas Baudry au tout début de son projet, certaines explorent d’ailleurs l’idée de transports en commun gratuits. Et son invention est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.