Grande nouveauté depuis décembre 2020, le transport ferroviaire est maintenant totalement ouvert à la concurrence et ce, même pour le transport domestique de passagers. Un monopole qui se termine pour la SNCF, qui va donc voir émerger des offres concurrentes dans les mois à venir.

Railcoop pourrait être de ceux-là. Même si la coopérative citoyenne voit davantage son rôle comme un complément à l’offre SNCF. Un complément pour améliorer le maillage ferroviaire français qui s’est considérablement appauvri depuis les années 1960 avec l’émergence de grandes lignes de TGV et la fermeture progressive de milliers de « petites lignes » jugées insuffisamment rentables.

Les chiffres sont parlant : alors que 90% des Français résident à moins de 10km d’une gare, 55% de celles-ci ne sont pas ouvertes au transport des voyageurs. Et même en matière de fret ferroviaire, notre volume est nettement inférieur à celui de nos voisins européens. Dans ces termes, comment demander aux entreprises et particuliers de privilégier le train à l’avion ou au transport routier si le maillage n’est pas à la hauteur ?

C’est pour remédier à cela que la coopérative ferroviaire Railcoop a décidé de saisir l’opportunité de l’ouverture du réseau ferroviaire à la concurrence pour impliquer citoyens, cheminots, entreprises et collectivités dans la mise en place de nouveaux modèles économiques et technologiques qui pourront permettre de développer davantage ce mode de transport à l’échelle nationale. Une bouffée d’air frais pour un secteur qui pourrait être davantage à la hauteur du défi environnemental que ce qu’il montre actuellement.

Alors que 90% des Français résident à moins de 10km d’une gare, 55% de celles-ci ne sont pas ouvertes au transport des voyageurs

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Désenclaver les territoires grâce à l’infrastructure existante

Avec la fermeture de 644 gares au service voyageurs entre 2011 et 2019, leur nombre a diminué de 19% en France, sachant que beaucoup de lignes sont également peu ou pas exploitées aujourd’hui. Entre 2017 et 2018, la SNCF a, par exemple, réduit de 37% ses liaisons intercités pour des questions de rentabilité.

Ainsi, alors que les grandes métropoles sont très bien reliées par les grandes liaisons et le TGV, les villes moyennes et de petites tailles sont devenues de moins en moins accessibles alors même que les infrastructures nécessaires à leur connexion sont présentes. Ces territoires n’ont pas eu beaucoup d’autres choix que de se connecter au reste de la France par le biais de transports coûteux pour l’environnement, voitures et transport aérien.

Pour répondre à cet enclavement, l’idée de Railcoop est donc de s’appuyer sur les infrastructures existantes pour redynamiser le trafic ferroviaire en France, aussi bien en ce qui concerne le déplacements de voyageurs que le fret. Et pour lever le frein économique imposé par les tarifs de la SNCF, la coopérative envisage des prix basés sur ceux pratiqués par le covoiturage.

Un levier pertinent pour freiner les prévisions d’une hausse du trafic routier qu’on estime à +34% d’ici 2050 alors qu’il faudrait le réduire drastiquement d’ici là.

On mise sur des territoires qui vont être connectés en proximité ainsi que sur l’intelligence collective de notre gouvernance pour renforcer mais aussi réinventer la mobilité ferroviaire.

Olivia Wolanin, Chargée de communication chez Railcoop


Renforcer la place du système ferroviaire dans la transition écologique

Par leur offre et notamment le (re)développement des lignes secondaires et une offre complémentaire à celle proposée par la SNCF sur les grande lignes, Railcoop a pour ambition de se positionner comme un concurrent du transport routier et aérien. Une bonne nouvelle pour l’environnement. En effet, le transport de voyageurs par rail génère 8 à 20 fois moins de CO2 que la voiture et nécessite un douzième de l’énergie requise pour déplacer une personne ou une tonne de marchandise par la route.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si la première ligne qui sera mise en service en 2022 pour le transport de voyageurs, sera celle qui relie les villes de Lyon et Bordeaux. En effet, « cette ligne est aussi la ligne aérienne la plus utilisée de France après celles qui relient Paris avec la province » nous informe Olivia Wolanin. Pour ce type de trajet de plus de 500km qui se font aujourd’hui majoritairement en avion, Railcoop envisage aussi la mise en place de trains de nuit.

De plus, la coopérative mise sur un réseau ferroviaire compatible avec les mobilités douces telles que le vélo. « Le cercle de réflexion train/vélo se penche notamment sur la question de l’accueil des cyclistes dans les trains Railcoop mais aussi de l’accessibilité des gares pour ces usagers » nous explique Olivia Wolanin.

Enfin, en utilisant les infrastructures déjà existantes, Railcoop développe une mobilité longue distance respectueuse de l’environnement tout en ne contribuant pas à l’artificialisation des sols. Ainsi, à la ligne Bordeaux-Lyon se succédera celle reliant les villes de Toulouse et Rennes ainsi que Lyon-Thionville et ce, sans l’installation de nouveaux rails.

ancienne voie ferroviaire


1,5M€ de capital grâce à plus de 6 000 sociétaires

Alors que 61% des français sont prêts à prendre le train plutôt que l’avion pour des raisons écologiques, le projet Railcoop est une opportunité pour eux de s’investir dans le développement d’une mobilité respectueuse de l’environnement et ce même sur les lignes secondaires qui ont été peu à peu abandonnées par la SNCF. Ainsi, Railcoop s’organise sous forme de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), un modèle qui se développe de plus en plus, à l’image d’Enercoop dans les énergies renouvelables ou de Mobicoop pour le covoiturage.

En février 2021, la coopérative membre du collectif Pour une Transition Citoyenne, comptait 6 206 sociétaires, un nombre qui a doublé depuis le début de l’année. Parmi eux, « on retrouve à 90% des particuliers et le reste ce sont des entreprises et des collectivités locales telles que le Département de la Creuse ou encore la Communauté d’Agglomération du Libournais » selon Olivia Wolanin.

La coopérative vient aussi d’être rejointe récemment par leur premier partenaire financier de l’économie sociale et solidaire, IES. Ce mois-ci, grâce à son nombre de sociétaires, elle vient d’atteindre son objectif d’1,5 million d’euros de capital souscrit, condition nécessaire à l’obtention de la licence d’opérateur ferroviaire voyageurs. De quoi poursuivre la transition tant écologique que citoyenne, que la coopérative incarne.

Crédit photo visuel d’entrée : Lucas Madebos

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