Le transport maritime devrait représenter 17% des émissions mondiales de GES si rien n’est fait pour mettre la filière dans le sens de la transition écologique. Et à ce sujet, les solutions pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre sont nombreuses. La priorité est aujourd’hui donnée à l’utilisation du GNL, dont la combustion réduit de 100% les émissions d’oxydes de soufre, de 80% des oxydes d’azote et de 20% du CO2 par rapport au fuel lourd traditionnel. Une solution qui reste néanmoins imparfaite puisque le GNL est une ressource fossile.

Les espoirs de la filière se tournent donc vers d’autres horizons : la possibilité de l’hydrogène est évidemment envisagée, en particulier pour les petits navires. Energy Observer, le premier navire à hydrogène au monde, sillonne les mers depuis 2017 en partie grâce à ce vecteur énergétique. C’est aussi le cas de nombreuses navettes fluviales, à l’image de ce qui se fait à La Rochelle et à Nantes. Mais pour le moment, l’utilisation de ce gaz pour les gros navires et les porte-conteneurs est exclue.

Reste alors une troisième voie, celle de la propulsion vélique. C’est-à-dire le recours à d’immenses voiles qui vont porter les bateaux comme cela s’est fait pendant des siècles. Les technologies sur le sujet commencent à devenir matures, à l’image des différentes entreprises françaises mais aussi étrangères qui explorent ce sujet, et de l’intérêt croissant des industriels (ArianeGroup, Renault, Manitou) qui ont d’ores et déjà annoncées qu’elles envisageaient de tester ces navires futuristes.

En parallèle, de nombreuses startups françaises travaillent sur des moyens de réduire l’utilisation du carburant lourd que l’on connaît aujourd’hui. C’est le cas des entreprises eOdyn ou Smart’n’go qui améliorent le routage des navires pour leur faire faire des économies de carburant. C’est aussi ce que proposeront en 2023 la startup Blue Fins et l’Ifremer avec l’hydrofoil inspiré par le mouvement des baleines.

schéma foil blue fins ifremer
Le foil (en vert) et son bras mécanique, pourraient permettre aux navires d’économiser du carburant et donc, réduire leurs émissions de GES


Économiser 20% à 30% de carburant

C’est un projet un peu hors-norme mais qui n’est pas complètement déconnecté de la réalité. Il fait appel à ce qu’on appelle le biomimétisme, qui est l’art d’observer ce que propose la nature en matière de R&D afin de créer des innovations efficientes. En l’occurence, en se basant sur le mouvement d’ondulation des mammifères marins – les baleines, par exemple – l’architecte naval Olivier Giusti a crée un foil qui devrait permettre d’optimiser la propulsion des méthaniers, pétroliers, porte-conteneurs et autres navires de croisière.

Placé à l’arrière des navires, ce foil est attaché à un grand bras articulé, lui-même animé par le mouvement des vagues. Ce qui génère l’énergie utile au navire pour avancer. « Notre système reproduit et combine deux phénomènes physiques : les foils sont comme des ailes d’avion immergées qui soutiennent le navire et réduisent les frottements de la coque du bateau sur l’eau. Leur mouvement, généré par la houle, fait avancer le navire un peu à la manière d’une queue d’une baleine », schématise Olivier Giusti, fondateur de Blue Fins. Résultat : la startup table sur une économie de 20 % à 30 % de consommation en carburant pour les bateaux équipés de son système.

Un système qui présente d’ailleurs deux avantages : d’abord, le foil est rétractable et peut être sorti de l’eau si les conditions de houle ne sont pas optimales. Ensuite, il est compatible avec les futurs systèmes imaginés pour la propulsion des navires, en particulier pour compléter le gain d’énergie qu’offriraient une aile de kite ou des voiles situées sur le pont des bateaux.

Un catalyseur d’innovation pour l’Ifremer

Ce projet innovant pour le futur du transport maritime est issu d’une collaboration entre la startup et l’IFREMER, qu’Olivier Giusti a rejoint en 2018 et 2019 pour mûrir son idée. Ainsi, en travaillant avec l’équipe du laboratoire Comportement des structures en mer de l’Institut, les deux structures ont pu affiner la technologie et convaincre des financeurs d’accompagner le développement du projet. C’est notamment le cas du Citeph (Concertation pour l’innovation technologique dans les domaines des énergies), un programme d’accélération de l’innovation dans le domaine des énergies.

Pour le moment, des efforts de R&D sont encore à fournir pour finaliser le projet. Fin 2022, les performances d’une maquette au 1/35ème devraient être validées dans le bassin de l’Ifremer. Un premier prototype à l’échelle 1/2 devrait ensuite être testé en mer à partir de fin 2023 sur un navire de commerce.

À noter que c’est de cette expérience réussie avec Olivier Giusti et Blue Fins que l’Ifremer s’est inspiré pour créer le concours d’innovation Octo’pousse lancé en octobre 2020 afin de booster les projets de création de startups en lien avec l’économie bleue.